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25 février 2022

Une cession de droits de propriété intellectuelle à titre gratuit est une donation qui doit être passée devant notaire sous peine de nullité

Dans une décision rendue le 8 février 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a jugé qu’une cession de marque et de dessins et modèles à titre gratuit constitue une donation qui doit être passée devant notaire sous peine de nullité.

En l’espèce, deux personnes physiques avaient déposé des marques et des dessins et modèles. Leurs produits étaient commercialisés par des sociétés dont ils étaient tous deux associés. L’un des associés a quitté le capital de la première société, et la deuxième a été liquidée. L’autre associé a créé une nouvelle société à laquelle il a cédé ses droits sur la marque et sur les dessins et modèles sans l’accord du cotitulaire. Il a également concédé une licence à une société tierce.

Le cotitulaire des droits a donc assigné son ancien associé et la nouvelle société de ce dernier en nullité du contrat de cession de marque et des dessins et modèles.

Selon le demandeur, le contrat de cession de marque et des modèles était nul car, la cession étant consentie sans contrepartie financière, l’acte s’analyserait en une donation devant être consentie par acte authentique. 

Les défendeurs soutenaient que l’acte n’était pas une donation, faute de caractère irrévocable et de « stipulation de donation » et devait en toute hypothèse être considéré comme un don manuel non soumis au formalisme de l’article 931 du Code civil.

La difficulté tenait donc à l’application de l’article 931 du Code civil aux cessions gratuites de droits de propriété intellectuelle.

L’article 931 du Code civil relatif aux donations prévoit que « Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité ». Deux dérogations à ce formalisme sont admises en jurisprudence, la première tenant aux dons manuels, qui imposent la tradition (c’est-à-dire la remise physique) de la chose donnée, la seconde tenant aux donations déguisées ou indirectes, dont les conditions de forme suivent celles de l’acte dont elles empruntent l’apparence.

Le Tribunal rappelle que le code de la propriété intellectuelle ne déroge pas à cette condition formelle des donations mais exige seulement un écrit, notamment s’agissant du transfert de propriété des marques.

Or selon ce dernier, le contrat de cession emportait ici explicitement transfert de propriété de la marque et des dessins et modèles « à titre gratuit ». Il s’agissait donc d’une « donation non dissimulée et portant sur des droits incorporels, comme tels insusceptibles de remise physique ». Ainsi, le Tribunal a estimé que l’acte était nul puisque conclu sous seing privé et non devant notaire.

Cette décision, qui n’a pas encore été frappée d’appel, pourrait avoir des conséquences importantes dans la pratique, engendrant une vigilance particulière concernant les actes de cession de droits de propriété intellectuelle à titre gratuit.

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Tribunal judiciaire de Paris, 8 février 2022, n°19/14142