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23 février 2022

Un gérant majoritaire qui se distribue des revenus occultes avec son associé doit-il en assumer seul les conséquences fiscales ?

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A l’occasion d’un contrôle fiscal, un inspecteur découvre qu’une SARL spécialisée dans les travaux électriques se fait payer des chantiers de la main à la main. Le liquide, parfois déposé sur le compte en banque, s’évapore ensuite dans la nature.

Qui doit payer l’impôt correspondant à cette distribution occulte ? Le contrôleur en discute avec son interlocuteur, l’associé minoritaire qui, bien que non gérant, l’a reçu parce que c’est lui qui est en charge des questions administratives au sein de l’entreprise. Pour le fisc, l’analyse est simple.

L’autre associé, gérant de l’entreprise, seul signataire des cartons bancaires, détient 60 % du capital.  Il doit donc être regardé comme le seul maître de l’affaire, au sens où l’entend la jurisprudence : en effet, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, il est en mesure d’user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres. Il est donc présumé avoir appréhendé la totalité des distributions effectuées par la société qu’il contrôle et il est donc redevable de la totalité de l’impôt dû, des intérêts de retard, et des pénalités de 40 %.

L’associé minoritaire, à l’abri de cet ouragan fiscal, se récrie.  Il affirme que l’argent non déclaré est équitablement partagé entre eux. Parfois en proportion de leurs droits respectifs, parfois en considération de la spécificité de certains chantiers, toujours en bonne entente.

L’inspecteur maintient sa position, en considération sans doute d’une jurisprudence abondante qui par automatisme, qualifie tout associé majoritaire de maitre de l’affaire.

Par un arrêt rendu le 13 janvier 2022, la Cour administrative d’appel de Lyon le censure. Les magistrats relèvent que les déclarations de l’associé minoritaire sont « non équivoques » : l’associé majoritaire n’use pas sans contrôle des biens occultes puisqu’il se soumet à son contrôle pour les distribuer.

La Cour balaye l’argument de la signature en banque : « la signature sur le compte bancaire dont bénéficiait seul M. D… ne suffit pas en l’espèce à établir qu’il disposait sans contrôle des fonds de la société, dès lors qu’il résulte également des déclarations de M. C… lors du contrôle que certaines opérations avaient lieu en espèces ».

Résultat : aucun des deux électriciens ne va payer l’impôt. Ni le majoritaire, puisque la Cour prononce un dégrèvement total, ni le minoritaire qui ne peut plus être poursuivi compte tenu de la prescription.

Où l’on voit qu’un mauvais contribuable peut faire un très bon associé.

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Nicolas Philippe

CAA Lyon 13 janv. 2022, n° 19LY3419