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30 janvier 2012

Rémunération pour copie privée : annulation par le Conseil Constitutionnel de dispositions de la loi du 20 décembre 2011

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Le 15 janvier 2013, suite à une question prioritaire de constitutionnalité (Q.P.C.) posée par la société SFR, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du paragraphe II de l’article 6 de la loi du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée.

La « copie privée » permet aux consommateurs, lorsqu’ils achètent des supports vierges (CD, DVD, disques durs…) de copier des œuvres pour leur usage privé. La loi française prévoit que les fabricants et importateurs de ces supports en France sont redevables de la « redevance pour copie privée », afin de rémunérer les ayants droits pour toute reproduction de leurs oeuvres.

1. Le contexte

Le 17 décembre 2008, la commission pour copie privée a pris une décision n°11, déterminant les supports concernés par la rémunération pour copie privée, le taux de rémunération à appliquer ainsi que les modalités de versement de la rémunération.

Le 17 juin 2011, le Conseil d’Etat a annulé cette décision, jugeant que la commission aurait dû exclure du champ de la rémunération les supports acquis par les personnes morales à des fins professionnelles. En effet, il a considéré que la décision était contraire à la Directive Européenne sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information telle qu’interprétée par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans un arrêt Padawan du 21 octobre 2010. En l’espèce, la Cour de Justice avait jugé que« l’application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l’égard d’équipements (…) non mis à la disposition d’utilisateurs privés (…) ne s’avère pas conforme à la directive 2001/29 ». Si la Haute juridiction a précisé que l’annulation de la décision n°11 de la commission pour copie privée ne prendrait effet qu’au 22 décembre 2011, elle a en revanche ajouté qu’elle s’appliquerait aux« actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre des actes pris sur son fondement ».

Toutefois, le 20 décembre 2011, a été adoptée la loi relative à la rémunération pour copie privée dont l’article 6, paragraphe II a validé de manière législative la décision n°11 de la commission pour copie privée qui avait été annulée par le Conseil d’état quelques mois auparavant, ceci dans le but de maintenir un certain équilibre financier et dans l’attente de l’adoption de nouveaux barèmes par la commission pour copie privée.

2. La question prioritaire de constitutionnalité posée par la société SFR

La société SFR contestait la conformité de cet article 6 paragraphe II à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En effet, la demanderesse à la Q.P.C. énonçait que l’article litigieux « portait atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et au droit à un recours effectif », le législateur « s’immisçant dans les instances en cours» à la date de l’annulation par le Conseil d’Etat de la décision n°11.

En outre, la demanderesse arguait que ladite disposition remettait en cause la décision du Conseil d’Etat du 17 juin 2011, en méconnaissance de l’autorité de la chose jugée.

De plus, la société SFR affirmait que la validation législative contestée était dépourvue d’intérêt général suffisant, condition pourtant énoncée par le Conseil constitutionnel en matière de loi de validation.

3. La décision du Conseil Constitutionnel

Sur le respect des décisions passées en force de chose jugée, le Conseil constitutionnel n’a pas suivi le raisonnement de la requérante.

En revanche, les Sages ont jugé que « les motifs financiers invoqués à l’appui de la validation des rémunérations faisant l’objet d’une instance en cours le 18 juin 2011 » ne justifiaient pas d’un motif d’intérêt général suffisant. Ils ont donc considéré que le législateur ne pouvait proroger d’un an le « sursis » accordé aux ayants droits quant au remboursement des sommes indûment perçues alors que la Haute juridiction administrative avait décidé d’annuler une partie des barèmes de rémunération pour copie privée de la décision n°11. Ainsi, le Conseil Constitutionnel a déclaré le paragraphe II de l’article 6 de la loi du 20 décembre 2011 contraire à la Constitution.

Si cette décision semble être une victoire pour les réfractaires à la rémunération pour copie privée, elle ne remet toutefois pas en cause ladite rémunération, dans la mesure où de nouveaux barèmes sont entrés en vigueur en décembre 2012.

Propriété littéraire et artistique 25 janvier 2013