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10 mars 2023

Le point sur la loi Climat et Résilience : quand le droit du travail rencontre la protection de l’environnement

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Face aux enjeux écologiques, le constat est évident : les liens entre travail et environnement sont étroits. Il est en effet certain que les activités économiques et l’emploi ont des impacts négatifs sur l’environnement et la santé des travailleurs.

C’est dans ce contexte que la loi Climat et Résilience (n° 2021-1104, du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) a tenté d’ouvrir davantage la question environnementale au droit social, et de sortir le développement durable du Code de l’environnement au moyen du dialogue social.

Cette loi a introduit, d’une part, la négociation collective environnementale, nouveau pan du dialogue social.

D’autre part, elle a consacré des évolutions notables dans l’attribution des prérogatives du Comité social et économique, ou désormais, du Comité social, économique et environnemental.

La négociation collective environnementale

La négociation collective n’échappe pas l’exigence écologique. De nature très pragmatique et se limitant à la rémunération, l’emploi ou encore le temps de travail, le champ de la négociation collective n’était que peu ouvert à la question environnementale.

La loi dite Climat et Résilience a introduit la prise en compte des enjeux de la transition écologique en matière de négociation collective dans le Code du travail.

L’article L. 2242-20 a été remodelé et dispose désormais que, dans les entreprises et les groupes d’au moins trois cents salarié, « l’employeur engage tous les trois ans, notamment sur le fondement des orientations stratégiques de l’entreprise et de leurs conséquences mentionnées à l’article L. 2323-10, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers portant sur :

1° La mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, notamment pour répondre aux enjeux de la transition écologique ».

Avec ce texte, le législateur invite les partenaires sociaux à s’interroger sur les besoins de compétence des salariés au regard de la transition écologique de leur secteur lors des négociations de GPEC/GEPP. Lors de ces négociations, les partenaires sociaux pourront aborder les questions relatives à la formation professionnelle, l’abondement du compte personnel de formation, la validation des acquis de l’expérience, en y intégrant des « réponses aux enjeux de la transition écologique ».

Toutefois, cette disposition reste encore timide au regard de son caractère supplétif.

Malgré le constat d’une certaine retenue de la loi sur l’incitation de la négociation collective environnementale, les partenaires sociaux ont saisi l’importance de cet outil dans la mise en œuvre de la transition écologique. En effet, des « clauses vertes » dans les accords d’entreprise apparaissent de plus en plus et sur des sujets très variés.

A titre d’exemple, l’accord GPEC Groupama Nord-Est adopté le 10 janvier 2022 prévoit, pour ses salariés, la mise à disposition de différents outils et dispositifs informatiques permettant de réduire la consommation de papier via la Gestion Electronique des Documents.

Citons également l’accord d’entreprise portant sur la transition environnementale de l’entreprise, PROXIMY, du 9 août 2022 prévoit une aide à la conversion vers un « véhicule propre », une prime pour les tournées réalisées à vélo, tricycle ou à pied ou encore une aide la conversion des véhicules thermiques au bioéthanol.

Enfin, l’accord relatif à la mobilité Trajet domicile-travail au sein de la Société CEGELEC NDT PSC, signé le 5 novembre 2021, prévoit d’organiser des rencontres covoitureurs inter-entreprises afin de promouvoir le covoiturage.

Les nouvelles attributions environnementales du CSE

L’article L. 2312-8, I du Code du travail a été modifié comme suit « le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions ».

Ainsi, le CSE rendra ses avis en prenant en compte les impacts environnementaux des décisions de l’employeur, lequel devra lui communiquer les informations et les documents utiles en la matière.

Afin de garantir l’effectivité de cette mission, lors des consultations ponctuelles, le CSE est informé et consulté sur les conséquences environnementales desdécisions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise encore les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs (C. trav., art. L. 2312-8 III).

De la même manière, lors des consultations récurrentes sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière, la politique sociale et les conditions de travail et d’emploi, le CSE doit désormais être informé et consulté « sur les conséquences environnementales » de l’activité de l’entreprise (C. trav., art. L. 2312-17).

Il est important de souligner que la notion de « conséquences environnementales » est encore imprécise. En effet, le législateur n’a pas pris le soin de définir cette notion, vraisemblablement pour ne pas en restreindre les frontières. Il reviendra donc au juge d’établir ce qu’il convient d’entendre par « conséquences environnementales ».

Le CSE devient ainsi un acteur du développement durable.

En somme, la loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets introduit certes la transition écologique au sein du droit du travail, mais les évolutions apportées restent encore mineures. Le dialogue social pourra peut-être davantage inciter les entreprises à adapter les conditions de travail aux exigences environnementales.