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2 février 2013

La sonorisation d’un film muet ne porte pas atteinte au droit moral

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Le 20 décembre 2012, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt intéressant, notamment en ce qui concerne l’atteinte au droit moral en matière d’œuvrecinématographique.

En l’espèce, Max Y avait écrit le scénario et réalisé un film muet intitulé « L’Etroit Mousquetaire ». Ilest décédé en 1925. Par un contrat conclu en 2008, soit plus de soixante-dix ans après son décès, la cinémathèque de Berlin a mis à disposition de la société Lobster Films une copie du film « l’Etroit Mousquetaire » obtenu à partir d’un double du négatif original, afin que ladite société restaure cette oeuvre. La société Lobster Films avait notamment procédé à la sonorisation dudit film.

Maud Y, fille et unique héritière de Max Y, s’est opposée à la projection publique du film « l’Etroit Mousquetaire ».

Elle prétendait être seule en droit d’exploiter ladite œuvre, étant titulaire des droits patrimoniaux d’auteur attachés au film « l’Etroit Mousquetaire ». Selon elle, le film l’Etroit Mousquetaire était une œuvre de collaboration, à laquelle avait contribué Thomas Z, puisque figurait la mention « Titl. Tom Z » sur le catalogue de l’American Film Institute, laquelle présumait sa qualité d’auteur.

Thomas Z étant décédé en 1962, elle prétendait donc être titulaire exclusif des droits patrimoniaux sur l’œuvre jusqu’en 2033, étant rappelé qu’il découle de l’article L123-2 du Code de la Propriété intellectuelle que concernant les œuvres de collaboration audiovisuelles, les ayants droit jouissent des droits patrimoniaux pendant soixante-dix ans après la mort du dernier vivant des collaborateurs.

Par ailleurs, elle faisait valoir que la société Lobster Films avait porté atteinte au droit au respect de l’intégrité de l’œuvre en adjoignant une musique d’accompagnement à la copie du film muet sans approbation de l’auteur ou de ses ayants droit.

La Cour de cassation a finalement rejeté l’ensemble des prétentions de Maud Y.

Selon la Cour, la mention « Titl. Tom Z… » sur le catalogue de l’American Film Institute est insuffisante pour établir que Thomas Z… était auteur de l’œuvre cinématographique et en a déduit que Maud Y ne pouvait se prévaloir de la date du décès de Thomas Z pour prétendre de sa seule titularité des droits patrimoniaux sur l’œuvre. Quant à l’atteinte au droit moral, la Haute Cour de Justice a énoncé que la représentation du film litigieux avait toujours été accompagnée d’une musique jouée en direct et que l’auteur n’avait pas laissé de recommandations quant aux caractéristiques de la musique susceptible d’illustrer son œuvre. Elle a ajouté que la société Lobster Films avait confié la composition musicale à une spécialiste reconnue de l’illustration musicale des films muets et avait donc veillé à respecter l’intégrité de l’œuvre audiovisuelle.

Cet arrêt vient ainsi confirmer la difficulté qu’ont les ayants droit à protéger et faire valoir le droit moral de l’auteur une fois décédé, un tel droit étant lié à la personnalité de l’auteur.