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18 juin 2013

La protection du nom de domaine par la concurrence déloyale conditionnée par sa distinctivité

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Par un arrêt en date du 20 mars 2013, la Cour d’appel de Bastia a rendu une solution intéressante relative aux critères de l’action en concurrence déloyale exercée par le titulaire d’un nom de domaine.

En l’espèce, le 11 septembre 2009, Monsieur B. a acquis le nom de domaine ‘mariagesencorse.com’, exploité par la société Iris Media. Puis, le 6 octobre 2010, ladite société a déposé à l’INPI la marque ‘MariagesenCorse.com’.

Par ailleurs, le 14 février 2010, Madame M. a enregistré le nom de domaine ‘mariageencorse.com’, qu’elle exploite sous le site Internetwww.mariageencorse.com. Le 17 décembre 2010, elle a également déposé la marque ‘mariage en corse’ auprès de l’INPI.

Monsieur B. et la société Iris Media, s’estimant lésés par les agissements de Madame M., ont assigné cette dernière devant le Tribunal de Commerce d’Ajaccio.

En première instance, le Tribunal de Commerce a jugé qu’en faisant déposer le nom de domaine ‘mariageencorse.com’, et exploitant ou bénéficiant du site Internetwww.mariageencorse.com, Madame M. avait « usurpé » le nom de domaine exploité par la société Iris Media et commis des actes de concurrence déloyale causant préjudice aux demandeurs.

Madame M. a interjeté appel de la décision du Tribunal de Commerce d’Ajaccio.

La Cour d’appel a accueilli la demande de Madame M., considérant que le nom de domaine ‘mariagesencorse.com’ était une juxtaposition d’un mot usuel et d’un lieu géographique, décrivant ainsi l’objet et le lieu d’activité de la société Iris Media. Si la Cour a reconnu qu’il existait une confusion dans l’esprit de l’internaute, elle a toutefois estimé qu’une société ne pouvait se prévaloir de la protection de son nom de domaine, lorsque celui-ci était générique ou descriptif.

La Cour d’appel de Bastia a ainsi rappelé un principe jurisprudentiel classique : le nom de domaine dont la protection est réclamée doit être distinctif. En ce sens, la Cour d’appel de Douai avait déjàjugé le 5 octobre 2011 (n°10/03751) que l’usage d’un nom de domaine similaire à celui d’un concurrent n’est pas fautif lorsque les termes le composant, correspondant à l’activité du site et au produit commercialisé, ne présentent pas de caractère distinctif par rapport à l’objet du site désigné et ne permettent pas l’identification d’une entreprise particulière.

La jurisprudence exige donc désormais une condition de distinctivité du nom de domaine pour que son titulaire puisse se prévaloir d’une faute constitutive d’un acte de concurrence déloyale (sans oublier un préjudice et un lien de causalité).

Une telle décision doit être approuvée. En effet, comme en matière de marque, des mots génériques ou usuels doivent rester disponibles pour les entités économiques souhaitant utiliser ces mots pour décrire leurs activités. Le Tribunal de Commerce a récemment retenu la même solution, dans un jugement daté du 24 mai 2013, en refusant de protéger le nom de domaine e-obseques.fr considérant que ce dernier était descriptif.

Les intimés faisaient également valoir qu’en enregistrant le nom de domaine ‘mariageencorse.com’, le 14 février 2010, Madame M. avait commis un acte de contrefaçon de leur marque ‘MariagesenCorse.com’. Or, cette marque avait été déposée postérieurement à l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Si le titulaire d’une marque peut en effet s’opposer à l’enregistrement d’un nom de domaine risquant de créer un risque de confusion dans l’esprit du public avec ses produits ou services, ledit titulaire doit prouver qu’il a des droits antérieurs faisant obstacle à l’enregistrement de ce nom de domaine.

C’est donc à bon droit que la Cour a retenu que les intimés ne justifiaient pas leur action en contrefaçon à l’égard de l’appelante, faute de pouvoir se prévaloir d’un droit antérieur sur leur marque.