Retour
23 février 2022

La préservation du droit à l’image des salariés en entreprise

Inhérent au droit au respect de la vie privée, le droit à l’image est une prérogative dont toute personne physique est titulaire. Le droit de à l’image inclut notamment la captation, la conservation, l’utilisation et la reproduction de celle-ci.

Au sein de l’entreprise, les salariés bénéficient de leur droit à l’image. De ce fait, l’employeur ne peut exploiter l’image de ses salariés sans leur consentement préalable.

C’est dans ce contexte que la Cour de cassation s’est, dans un arrêt en date du 19 janvier 2022, de nouveau positionnée comme gardienne du droit à l’image des salariés en entreprise.

En l’espèce, un chef d’entreprise a photographié ses salariés avant de publier les photographies sur le site Internet de sa société. 

Deux des salariés ont, suite à leur licenciement intervenu postérieurement, saisi la juridiction prud’hommale de diverses demandes, dont une relative à l’utilisation abusive de leur image. Ils demandaient à ce titre la condamnation de leur ancien employeur à leur verser les dommages et intérêts.

La Cour d’appel, faisant application de la jurisprudence de principe en matière de preuve des préjudices, déboute les salariés de leur demande de dommages et intérêts, motif pris qu’ils ne démontraient pas l’existence d’un préjudice personnel, direct et certain.

Les salariés se pourvoient en cassation.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel selon un attenu rédigé comme suit : « Pour débouter les salariés de leur demande de dommages-intérêts au titre du droit à leur image, les arrêts retiennent d’abord que chacun des salariés a été photographié avec l’ensemble de l’équipe pour apparaître sur le site internet. Ils indiquent ensuite que le courrier mentionnant leur volonté de voir cette photographie supprimée a été présenté à la société le 27 juillet 2015 sans que celle-ci ne se conforme à la demande. Les arrêts relèvent que l’employeur affirme toutefois, sans être utilement contredits par les salariés, avoir supprimé la photographie litigieuse postérieurement à la communication des conclusions de première instance de ces derniers formulant cette demande. Les arrêts retiennent enfin que les salariés ne démontrent aucunement l’existence d’un préjudice personnel, direct et certain résultant du délai de suppression de la photographie en question.

En statuant ainsi, alors que la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

Selon la Cour, donc, le fait pour un employeur de porter atteinte au droit à l’image de ses salariés suffit à justifier une condamnation, sans qu’il y ait lieu pour les salariés de s’expliquer davantage sur la nature du préjudice qui en est résulté.

A noter que la Cour de cassation renvoie à la Cour d’appel précédemment saisie le soin de rejuger ce point, et donc de fixer le montant des dommages et intérêts à allouer aux salariés.

Par cette sévère décision, la Cour porte un nouveau coup de canif à sa propre jurisprudence, posée par un arrêt du 13 avril 2016, selon laquelle tout salarié sollicitant une indemnisation (sur quelque fondement que ce soit) doit justifier de l’existence de son préjudice.

Le préjudice automatique est donc loin d’avoir dit son dernier mot.

Décision commentée : Cass. Soc.,19 janvier 2022, n° 20-12.420