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12 avril 2022

La Cour de cassation rappelle le régime social de l’indemnité transactionnelle

La 2ème chambre civile de la Cour de cassation est intervenue, dans un arrêt en date du 17 février 2022, afin de rappeler le régime social applicable à l’indemnité transactionnelle.

En principe, les règles d’assujettissement varient en fonction de la nature du montant versé à titre transactionnel :

En cas de contrôle URSSAF, cette dernière, en présence du versement d‘une indemnité transactionnelle, va rechercher si l’indemnité versée a tout ou partie la nature de salaire (auquel cas elle sera soumise à cotisations), ou si elle a une nature indemnitaire (ouvrant droit à exonération de cotisations).

En l’espèce, deux salariés avaient saisi le Conseil de prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de leur contrat de travail aux torts de leur employeur et obtenir le paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire (dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail, dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos du forfait jours et des règles relatives aux congés-payés..) et à caractère salarial (indemnité de préavis et congés payés afférents, soldes de congés payés et RTT).

Par la suite, les parties avaient conclu un accord transactionnel prévoyant notamment le paiement de jours de congés non pris, ainsi que le versement d’une indemnité transactionnelle. En contrepartie, chaque salarié renonçait à poursuivre l’instance engagée, et à réclamer à la société toute somme ou indemnité quelle qu’elle soit.

L’employeur appliquait une exonération de cotisations sociales sur les indemnités transactionnelles versées, estimant qu’elles présentaient un caractère purement indemnitaire.

Postérieurement à l’exécution des transactions, l’URSSAF, à l’occasion d’un contrôle, a procédé à un redressement consistant en la réintégration, dans l’assiette des cotisations sociales, des indemnités transactionnelles versées à ses deux salariés.

En effet, l’URSSAF considérait que les indemnités transactionnelles n’avaient pas un caractère exclusivement indemnitaire, puisqu’elles avaient été versées pour clore un litige à l’occasion duquel des demandes comprenant des éléments ayant le caractère de salaire (indemnité de préavis et congés payés afférents, soldes de congés payés et RTT) avaient été formulées.

La Cour d’appel a annulé en totalité le redressement opéré, au motif que les sommes en cause n’entraient pas dans l’assiette des cotisations sociales car elles présentaient un caractère indemnitaire.

L’URSSAF se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel, selon un attendu rédigé comme suit :

« Sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, à moins que l’employeur ne rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice.

[…]

Il en déduit que l’indemnité litigieuse est destinée à clore le contentieux judiciaire en résiliation des contrats de travail aux torts de l’employeur, et que ce contentieux portant sur l’imputabilité de la rupture du contrat de travail et l’indemnisation de préjudices résultant du non-respect des temps de repos du forfait jours et des règles relatives aux congés payés, ce qui correspond à l’indemnisation d’un préjudice résultant de la violation d’obligations impératives de l’employeur, ayant une valeur constitutionnelle, portant sur le droit à la santé et au repos, elle présente un caractère indemnitaire justifiant son exonération de cotisations sociales.


De ces énonciations et constatations, faisant ressortir la commune intention des parties d’indemniser les salariés des conséquences du manquement de l’employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a souverainement décidé que la société rapportait la preuve que l’indemnité litigieuse ne constituait pas un élément de rémunération mais compensait un préjudice pour les salariés. Elle en a exactement déduit que les sommes en cause n’entraient pas dans l’assiette des cotisations sociales.
»

En se référant à la commune intention des parties telle qu’elle figure dans l’énoncé de la transaction, la Cour de cassation déduit que :

De ces constatations, la Cour confirme la position des juges du fond en considérant que ces indemnités avaient un caractère purement indemnitaire.

A l’évidence, cette décision est la conséquence plus poussée de la lignée d’une jurisprudence constante selon laquelle l’indemnité transactionnelle est exonérée de cotisations sociales lorsqu’elle a pour objet de réparer un préjudice.

D’où la nécessité d’être très précautionneux dans la rédaction des accords transactionnels.

Cour de Cassation, Chambre civile 2 du 17 février 2022 n°20-19.516