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25 mars 2020

COVID-19 : Quarantaine et droit de retrait des salariés

Un salarié peut-il faire jouer son droit de retrait ?

Le ministère du Travail estime que dès lors que l’employeur a pris les mesures de prévention et de protection nécessaires, conformément aux recommandations du gouvernement, l’exercice de leur droit de retrait par les salariés devrait demeurer exceptionnel.

Si tel n’est pas le cas cependant, le salarié pourrait exceptionnellement faire jouer son droit de retrait. Par ailleurs, le salarié est fondé à exercer son droit de retrait si, en violation des recommandations du gouvernement et, depuis l’annonce du confinement le 16 mars 2020, son employeur lui demande de se déplacer en l’absence d’impératif alors que le télétravail peut être mis en place pour son poste.

Aucune sanction ni retenue de salaire ne peuvent être prises à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux (C. trav. art. L 4131-3), et ce quelle que soit la durée du retrait (Cass. Crim. 25 novembre 2008, n°07-87.650 – Bull. crim n°239).

Il en est de même lorsque le droit a été exercé par suite d’une erreur d’appréciation du salarié, sous réserve que celui-ci ait eu un motif raisonnable de penser qu’il y avait un danger grave et imminent.

La seule circonstance pour le salarié qu’il soit affecté à l’accueil du public et pour des contacts brefs ou prolongés, ou qu’un collègue de travail ait été contaminé ne constitue pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, un motif raisonnable pour exercer son droit de retrait.

En l’absence de motif raisonnable, l’employeur pourra alors opérer une retenue sur salaire ou sanctionner le salarié, y compris par un licenciement, sous réserve de l’appréciation des juges.

Rappelons que le licenciement pour un motif lié à l’exercice légitime du droit de retrait est nul (Cass. Soc. 25 nov. 2015, n°14-21.272 – Bull. 2016, n°840, Soc., n°552).

La quarantaine

  1. Peut-on l’imposer au salarié ?

Au stade 3 de l’épidémie, il n’y a plus, selon le gouvernement, de quarantaine obligatoire pour les personnes revenant d’une zone à risque mais des mesures de « réduction sociale ».

La quarantaine est en revanche maintenue pour les salariés ayant été en contact avec une personne malade, cette mesure étant réservée aux « cas contacts à haut risque » ayant partagé le même lieu de vie que la personne malade.

Dès qu’il est informé du risque de propagation du virus par un salarié susceptible d’être contaminé, l’employeur doit demander à ce dernier de ne pas se rendre sur son lieu de travail et de recourir au télétravail ou, à défaut, aménager son poste.

Lorsque le télétravail n’est pas compatible avec l’activité et que le poste ne peut être aménagé pour limiter les contacts, l’employeur peut demander au salarié de ne pas se présenter sur son lieu de travail. Mais il ne s’agit que d’une simple faculté pour l’employeur s’agissant des « cas contact à risque faible ».

Les salariés doivent respecter les instructions données par l’employeur en matière de santé et de sécurité[1]. Aussi le salarié qui persisterait à venir travailler en dépit de la mesure d’éviction commet une faute susceptible d’être sanctionnée.

Les salariés qui font l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile et se trouvent dans l’impossibilité de travailler du fait d’un contact avec une personne malade du coronavirus peuvent se voir prescrire un arrêt de travail par un médecin de l’Agence Régionale de Santé (ci-après, « l’ARS ») pour une durée maximale de 20 jours et percevoir des indemnités journalières sans condition d’ouverture de droits et sans application du délai de carence.

Ce régime dérogatoire s’applique depuis le 2 février 2020 pour une durée de 2 mois (Décret 2020-73 du 31 janvier 2020 : JO 1-2 ;  Circulaire CNAM n°9/2020 du 19 février 2020 : prise en charge des assurés exposés au coronavirus 2019-nCoV).

Le contrat de travail est alors suspendu et le salarié bénéficie des garanties légales ou conventionnelles de maintien de salaire en complément des indemnités journalières, comme dans le cas d’un arrêt de travail « classique ».

Le délai de carence du maintien de salaire légal[2] a été supprimé à compter du 5 mars 2020 pour la durée d’application de la règle dérogatoire concernant les Indemnités Journalières de Sécurité Sociale (ci-après, « IJSS »), soit jusque fin mars en principe, sans que la condition d’un an d’ancienneté ait été supprimée[3].

Attention : L’éventuel délai de carence conventionnel reste, en l’état actuel des textes, applicable. Il conviendra donc de comparer la totalité des indemnisations complémentaires légale et conventionnelle afin de déterminer la plus favorable au salarié.

Si le salarié ne bénéficie pas d’un arrêt de travail prescrit par l’ARS, l’employeur à l’origine de la mesure d’éviction ne peut pas suspendre la rémunération du salarié et la période d’absence est assimilée à une période normalement travaillée.

Ce régime est applicable au parent dont l’un des enfants est à l’isolement.

Doit-on consulter le CSE ?

Le Conseil Economique et Social (ci-après, le « CSE ») a pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail : il a donc vocation à exercer un rôle de premier plan en cas d’épidémie.

Il doit être consulté dès lors que des modifications importantes de l’organisation du travail sont envisagées (C. trav. art. L 2312-8), avant toute demande de mise en place de l’activité partielle (C. trav. art. R 5122-2) et également dans le cadre de la modification du document unique d’évaluation des risques. Le recours à la visioconférence est encouragé pour les réunions.

L’employeur peut prendre des mesures conservatoires avant la consultation, si l’urgence l’exige.

Le CSE peut aussi se réunir, à la demande motivée de deux de ses membres représentants du personnel, sur les sujets relevant de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail (C. trav. art. L 2315-27).

Bien qu’elle revête un caractère temporaire, la mise en place du télétravail constitue un aménagement important modifiant les conditions de travail rendant obligatoire la consultation du CSE (C. trav. art. L 2312-8).


[1]           Article L 4122 al.1er du Code du travail : « Conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d’en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. ».

[2]           Article L 1226-1 du Code du travail.

[3]           Décret n° 2020-193 du 4 mars 2020 relatif au délai de carence applicable à l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière pour les personnes exposées au coronavirus.