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27 avril 2017

Contrefaçon d’une lettre-tract en période électorale

Entre les deux tours des dernières élections régionales, le maire de Châteaurenard a adressé aux citoyens de sa commune une lettre-tract pour les enjoindre à voter au second tour. Le lendemain, un conseiller municipal de Châteaurenard et membre du Front National a également adressé une lettre-tract aux mêmes habitants. Le maire de la commune, estimant que la lettre-tract du conseiller municipal était peu ou prou identique à la sienne, a fait assigner ce dernier devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille pour contrefaçon de droits d’auteur et parasitisme. Selon lui, sa lettre-tract était une œuvre originale, au sens du des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de la propriété intellectuelle, puisqu’elle contenait des références à des éléments de sa vie personnelle et consacrait donc l’empreinte de sa personnalité. A titre subsidiaire, le maire se fondait également sur le parasitisme au motif que la reproduction de sa lettre-tract était servile. Le conseiller municipal rétorque que le demandeur ne démontre pas l’originalité de sa lettre-tract.

Le Tribunal de Grande Instance de Marseille, dans une décision du 23 mars 2017, estime que l’insertion de détails personnels dans une lettre-tract « s’ils sont utiles pour régler la question de l’identité de son auteur, ne le sont pas s’agissant de déterminer l’originalité de sa production » et que plus largement, le contenu de la lettre-tract « ne traduit aucune création dans la mesure où il s’agit d’une suite de phrases ressortant du langage courant, sans apport littéraire ou réellement personnel du talent créateur de son auteur, ce dans le cadre d’une campagne électorale où l’échange des idées constitue la règle. Ni le style utilisé ni la forme d’expression ne relèvent d’un quelconque effort créatif ».

La protection par le droit d’auteur de cette lettre-tract est donc rejetée.

Cependant, le tribunal de grande instance reconnaît que la reprise servile de la lettre-tract était un acte parasitisme car « il ne peut être utilement soutenu qu’il s’agit d’emprunts d’idées de libre parcours » et par conséquent que « la reprise, à l’identique, de certains paragraphes témoigne en réalité d’une volonté parasitaire afin de créer la confusion dans l’esprit des destinataires de ce tract, étant précisé que le demandeur et le défendeur sont politiquement concurrents et que cette concurrence justifie traditionnellement une volonté de se démarquer, sauf si l’objectif est, au contraire, d’entraîner une confusion dans l’esprit des citoyens ».

Ainsi, le tribunal de grande instance considère que le préjudice moral du maire résultant de cette confusion sera évalué à 1 euro symbolique ainsi que par la publication du dispositif du jugement dans un journal au choix du demandeur.