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18 mars 2022

Clip de campagne : Éric Zemmour condamné pour contrefaçon de droits d’auteur

Dans un jugement du 4 mars 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné Éric Zemmour, son parti politique et le représentant légal de celui-ci pour violation des droits d’auteur des titulaires de droits d’extraits de films qu’il avait intégrés à sa vidéo de candidature à l’élection présidentielle.

Le 30 novembre 2021, Éric Zemmour avait diffusé, sur Facebook et YouTube notamment, sa déclaration de candidature à l’élection présidentielle. Ce dernier avait illustré son clip de campagne avec de nombreux extraits de films, sans aucune autorisation des titulaires de droits.

Après avoir adressé des mises en demeure de cesser la diffusion de ces extraits, les titulaires de droits et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) ont assigné Éric Zemmour et son parti politique en justice pour contrefaçon de leurs droits d’auteur.

Les demandeurs faisaient valoir que l’utilisation, sans leur autorisation, des différents extraits de films portait atteinte à leurs droits patrimoniaux. Les défendeurs, de leur côté, ont tenté de se prévaloir de l’exception de courte citation et de leur droit à la liberté d’expression. Ces deux arguments ont été successivement écartés par les juges.

L’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) autorise, à titre d’exception au droit patrimonial d’auteur, les « courtes citations » justifiées notamment par le caractère « d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées » et « sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source ».

Le Tribunal retient, à ce titre, que l’exigence des mentions requises concernant l’identité des titulaires des droits n’a pas été satisfaite. En effet, seuls les titres des films et les noms des titulaires des chaînes YouTube dont les extraits étaient issus étaient mentionnés, le nom des titulaires de droits ne l’étant pas.

Concernant la justification de l’utilisation de ces extraits, le Tribunal considère que « les extraits utilisés, bien que suffisamment brefs puisqu’ils ne durent chacun que quelques secondes, alors qu’ils sont issus de longs métrages, ne peuvent toutefois être considérés comme justifiés par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de la vidéo litigieuse puisqu’ils ne sont présents qu’à titre de simples illustrations en guise de fond visuel du discours prononcé, lequel n’entretient aucun « dialogue » avec les extraits d’œuvres en cause, qui ne sont pas ici introduits afin d’éclairer un propos ou d’approfondir une analyse. Les extraits litigieux ne visent donc nullement un but exclusif d’information immédiate en relation directe avec les œuvres dont ils sont issus ».

L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales consacre le droit à la liberté d’expression qui doit être exercé dans le respect des autres droits fondamentaux tels que le droit de propriété, dont découle le droit d’auteur.

Le Tribunal opère une balance des intérêts entre le droit d’auteur et la liberté d’expression et relève, au regard du fait que l’exception de courte citation ne soit pas applicable en l’espèce et que l’utilisation des extraits ne soit pas nécessaire au discours politique du défendeur, que « la mise en œuvre de la protection au titre du droit d’auteur des demandeurs constitue, une atteinte proportionnée et nécessaire à la liberté d’expression. »

Le Tribunal décide ainsi que l’intégration au discours du défendeur de plusieurs extraits de films, et leur diffusion sur Internet, sans autorisation, constituent des actes de contrefaçon de droits d’auteur.

Les demandeurs faisaient également valoir que, du fait de l’emploi des extraits des œuvres, il était porté atteinte au droit moral des auteurs et particulièrement à leur droit au nom ou à la paternité et au respect de leurs œuvres.

Pour le Tribunal, en l’absence de mention du nom des auteurs, « l’atteinte au droit à la paternité est caractérisée ». Le jugement retient également que « c’est à bon droit » que les demandeurs ont fait « valoir que les extraits ayant été utilisés pour accompagner le discours de candidature d’un homme politique, ce comportement porte atteinte au droit au respect de l’œuvre et en constitue une dénaturation dès lors que détournées de leur finalité première, qui est de distraire ou d’informer, les œuvres audiovisuelles ont été utilisées, sans autorisation, à des fins politiques ». 

Enfin, considérant comme recevable la mise en jeu de la responsabilité des défendeurs, le jugement les condamne à cesser l’exploitation des extraits de films en cause et à verser des dommages-intérêts aux demandeurs. En revanche, il rejette la demande de publication de la décision rendue « compte tenu du contexte de l’affaire et de l’exposition médiatique dont elle a bénéficié en dehors de toute communication judiciaire. »

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Tribunal judiciaire de Paris, 4 mars 2022, n°22/00034