Retour
23 avril 2014

Annulation d’une convention de forfait en jours : condamnation de l’employeur pour « exécution déloyale de la convention de forfait en jours » et pour travail dissimulé

Les conventions de forfait en jours sur l’année permettent de rémunérer certains salariés sur la base d’un nombre de jours travaillés annuellement, laissant ainsi au salarié davantage de liberté pour organiser son emploi du temps.

La chambre sociale de la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que toute convention de forfait en jours devait être prévue par un accord collectif dont les stipulations garantissent le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos hebdomadaires et journaliers. A cet égard, la Cour de cassation a considéré que les stipulations qui « ne déterminent pas les modalités et les caractéristiques principales des conventions susceptibles d’être conclues mais renvoient à la convention écrite conclue avec le salarié concerné le soin de fixer les modalités de mise en œuvre et de contrôle du nombre de jours travaillés ainsi que la nécessité d’un entretien annuel d’activité de cadre avec sa hiérarchie » sont de nature à priver d’effet la convention de forfait en jours (Cass. Soc. 31 janv. 2012 n°10-19.807).

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 12 mars 2014, un salarié licencié pour faute grave contestait son licenciement et sollicitait également la condamnation de l’employeur à lui régler les heures supplémentaires en demandant le prononcé de la nullité de la convention de forfait en jours prévue à son contrat de travail. .

Le salarié ne mettait pas en cause les dispositions de la convention collective applicables mais reprochait à son employeur de ne pas appliquer les dispositions de l’article L 3121-46 du Code du travail qui prévoient que l’employeur doit organiser un entretien portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre vie professionnelle et personnelle. En outre, il estimait que la disposition contractuelle qui prévoyait que le nombre de jours travaillés oscillerait entre 215 et 218 jours était imprécise et qu’elle devait conduire à l’annulation du forfait en jours.

Sur l’absence du nombre exact de jours travaillés, la Cour d’appel de Versailles a débouté le salarié de sa demande estimant que la fourchette de 215 à 218 jours de travail indiquée dans la lettre d’embauchage et sur les bulletins de salaire ne faisait que traduire l’impossibilité de déterminer de façon intangible le nombre d’heures maximum travaillées chaque année du fait des variables liées au calendrier. Ainsi, cette marge d’incertitude infime et commune à tous les forfaits ne remettait pas en cause leur validité.

Au visa de l’article L 3121-45 du Code du travail, la Cour de cassation ne retient pas cette position et indique dans son attendu « qu’une convention de forfait en jours doit fixer le nombre de jours travaillés ». Cette position s’inscrit par ailleurs dans la suite logique d’autres décisions au regard desquelles une convention de forfait en jours doit fixer le nombre de demi journées travaillées et préciser les modalités de décompte des journées ou demi journées travaillées et de prises de journées ou demi journées de repos (Soc. 16 nov 2007, n°06-40.417).

S’agissant du défaut d’organisation d’entretien annuel, les juges du fond avaient condamné l’employeur au paiement d’une indemnité pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours. Alors que dans son pourvoi l’employeur arguait que l’article L 3121-46 du Code du travail (issu de la loi du 20 août 2008) prévoyant cette obligation d’entretien lui était inapplicable, la convention de forfait ayant été signée en décembre 2006, la Chambre sociale considère quant à elle que cet article est applicable aux conventions de forfait en jours en cours d’exécution lors de son entrée en vigueur.

Enfin, la Cour de cassation a par ailleurs pu juger que l’article 624 du Code de procédure civile devait nécessairement la conduire à casser également l’arrêt ayant débouté le salarié de sa demande de travail dissimulé.

Il apparaît donc au vu de cet arrêt que la Cour de cassation, tout comme certaines juridictions du fond considère désormais qu’appliquer une convention de forfait nulle doit entraîner une condamnation systématique de l’employeur à payer une indemnité pour travail dissimulé sans qu’il soit nécessaire pour le salarié de démontrer l’intention de l’employeur de dissimuler les heures supplémentaires qu’il aurait accomplies.