Si la protection par le droit d’auteur des pièces de théâtre originales ne fait pas de doute, celle des mises en scènes qui les accompagnent à de nombreuses reprises est une question plus délicate. L’intérêt de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 16 octobre 2013 est double : la Cour rappelle les critères de protection par le droit d’auteur et les applique à une mise en scène, consacrant le caractère protégeable des œuvres de théâtre.
En l’espèce, Régis Y et Pascal-Emmanuel A., hommes de théâtre, ont conçu la mise en scène d’une pièce intitulée Les Liaisons dangereuses ou la Fin du Monde, adaptée du célèbre roman de Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses. A partir du 27 septembre 2011, leur création est reprise sans autorisation. Seules la modification de la bande son du spectacle et la suppression du nom du metteur en scène sur les affiches du spectacle la distinguent de la première pièce mise en scène. Les deux metteurs en scènes assignent alors Gilles X., la société MG Finances, l’association RMG Prod, Bernard B. et la société du Théâtre du Petit Saint-Martin devant le Tribunal de grande instance de Paris afin que la contrefaçon de leur mise en scène soit constatée.
Après avoir mis en œuvre la définition traditionnelle de l’originalité, critère fondamental pour accéder à la protection par le droit d’auteur, la Cour d’appel accorde la protection par le droit d’auteur à une mise en scène d’une œuvre théâtrale et reconnaît son originalité.
La question présentait un intérêt fondamental pour clarifier la position des juges du fond. Caractériser l’originalité d’une mise en scène d’une pièce de théâtre en elle-même originale s’avère en effet être un exercice périlleux. Tentant de mettre un terme à un débat en proie à des divergences d’interprétation depuis des années, la Cour d’appel tente alors d’apprécier de la manière la plus objective possible les partis pris esthétiques et arbitraires d’une scénographie en les énumérant précisément. Elle rappelle que le metteur en scène s’est appuyé sur les « jeu d’acteurs, création d’atmosphère (…), des flashs backs, jouant avec les noirs, isolement des personnages par l’utilisation d’un projecteur unique vertical (…), des voix in et off mettant en scène l’intime (…) pour apporter la preuve de l’originalité de sa création.
Bien sûr, si toutes les mises en scène ne sont pas nécessairement originales, l’arrêt du 16 octobre 2013 affirme avec clarté que le metteur en scène peut prouver l’empreinte de sa personnalité dans une adaptation.
En reconnaissant la contrefaçon de la création de Régis Y. et Pascal-Emmanuel A., la Cour d’appel rappelle qu’en vertu du principe de l’Unité de l’Art, peu importe le genre auquel appartient l’œuvre, seule l’originalité compte pour que la protection soit accordée et conclut très clairement que « cette mise en scène est par conséquent digne d’accéder à la protection instituée au titre du droit d’auteur ».