ISABELLE WEKSTEIN
Quoi de neuf cet été ? Une loi promulguée le 4 août qui tranche le débat sur le tribunal compétent en matière de litiges de droits d’auteur. Le 4 août a été promulguée la loi pour la modernisation de l’économie (dit loi LME). Elle comporte de très nombreuses dispositions sur des sujets très divers (un statut sur l’auto-entrepreneur, la reconnaissance de l’entreprise moyenne, la réduction des délais de paiement entre entreprises…) qui n’ont rien à voir avec le droit d’auteur, mais comporte une disposition qui semble trancher définitivement un débat sur la compétence matérielle des tribunaux en cas de litige en matière de propriété intellectuelle : les tribunaux de grande instance sont seuls compétents.
Ainsi l’article 135 de la LME dispose-t-il que « I.-Dans le premier alinéa de l’article L.331-1 du Code de la propriété intellectuelle, les mots : “portées devant les tribunaux compétents” sont remplacés par les mots : “exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance”. » Il faut se référer à l’article L.331-1 du Code de la propriété intellectuelle désormais rédigé comme suit :« Toutes les contestations relatives à l’application des dispositions de la première partie du présent code qui relèvent des juridictions de l’ordre judiciaire sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, sans préjudice du droit pour la partie lésée de se pourvoir devant la juridiction répressive dans les termes du droit commun…
Les tribunaux de grande instance appelés à connaître des actions et des demandes en matière de propriété littéraire et artistique, y compris lorsque ces actions et demandes portent à la fois sur une question de propriété littéraire et artistique et sur une question connexe de concurrence déloyale, sont déterminés par voie réglementaire. » A l’origine du débat, la loi du 29 octobre 2007 déjà commentée dans ces colonnes, sur la lutte contre la contrefaçon. Cette loi comportait des dispositions relatives à la compétence des tribunaux de grande instance qui manquaient de cohérence. En effet, la loi avait entrepris de modifier l’article L.211-10 du Code de l’organisation judiciaire. L’article L.211-10 du Code de l’organisation judiciaire disposait ainsi : « Des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de brevets d’invention… » Cela signifiait que seuls les tribunaux de grande instance étaient compétents en matière de propriété intellectuelle. Pourtant, la suite de ce texte renvoyait au Code de la propriété intellectuelle (article L.331-1) qui comportait, à l’issue de la modification législative d’octobre 2007, deux alinéas contradictoires :
L’alinéa 1 : « Toutes les contestations relatives à l’application des dispositions de la première partie du présent code qui relèvent des juridictions de l’ordre judiciaire sont portées devant les tribunaux compétents, sans préjudice du droit pour la partie lésée de se pourvoir devant la juridiction répressive dans les termes du droit commun (al 1). » D’après ce premier alinéa, le justiciable pouvait agir devant divers tribunaux selon les cas (tribunal de grande instance, conseil des prud’hommes, tribunal administratif…).
L’alinéa 4 : « Les tribunaux de grande instance appelés à connaître des actions et des demandes en matière de propriété littéraire et artistique, y compris lorsque ces actions et demandes portent à la fois sur une question de propriété littéraire et artistique et sur une question connexe de concurrence déloyale, sont déterminés par voie réglementaire » (al. 4). » D’après ce second alinéa, le tribunal de grande instance semblait seul compétent. D’où une grande confusion. L’auteur-salarié, par exemple, qui veut engager après l’expiration de son contrat de travail une action en contrefaçon relative à ses droits d’auteur devait-il saisir le conseil des prud’hommes ou le tribunal de grande instance ? La question est importante car elle concerne nombre de litiges et de situations qui impliquent la superposition de droits et de statuts de nature différente, et saisir un tribunal incompétent fait perdre (ou gagner, c’est selon) un temps considérable au justiciable. En désignant nommément les tribunaux de grande instance, la loi du 4 août 2008 a définitivement clarifié la situation.
Publications CHRONIQUE JURIDIQUE – LIVRES HEBDO 03 septembre 2008