Du délai de retrait
ISABELLE WEKSTEIN
Dans quels délais peut-on faire retirer du contenu illicite sur Internet : réponse et mode d’emploi. . Lorsque du contenu « illicite » doit être retiré « promptement » de la Toile se pose la question du délai imparti à celui qui héberge le site pour procéder à ce retrait. La loi ne précise pas en effet ce que veut dire promptement. On sait que la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004 est analysée comme protégeant les hébergeurs puisque leur responsabilité ne peut être engagée du fait des contenus que s’ils n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou si, dès le moment où ils ont eu cette connaissance, ils ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. En pratique, les hébergeurs sont présumés connaître l’illicéité des contenus, lorsqu’il leur est notifié :
– la date de la notification ;
– si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
– les noms et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
– la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
– les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justificatifs de faits ;
– la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.
Lorsque les conditions ci-dessus énoncées sont remplies, l’hébergeur doit procéder au retrait promptement. Le tribunal de grande instance de Toulouse, dans son ordonnance de référé du 13 mars 2008, précise ce que veut dire « promptement » en jugeant que cela signifie « immédiatement ». En l’espèce, Mr Krim (sic) agissait contre la société Amen et Monsieur Pierre G., éditeur du site www.arme-collection.com sur lequel étaient disponibles des procès-verbaux d’écoutes téléphoniques judiciaires le concernant. Il s’agissait de la diffusion d’écoutes téléphoniques tirées d’un dossier d’instruction et donnant des informations confidentielles sur la vie privée du requérant. Monsieur Pierre G. avait reconnu les faits et le caractère manifestement illicite du contenu ne faisait pas difficulté.
Le débat portait donc sur le délai qui s’était écoulé entre la demande de retrait formulée par Mr Krim et le retrait du contenu illicite. Le défendeur tentait néanmoins d’argumenter sur le fait que les hébergeurs n’étant pas tenus d’une obligation générale de surveillance, le site Amen n’engageait pas sa responsabilité puisque le site litigieux avait été fermé « promptement ». Le jour même. Les juges répondent que le retrait doit intervenir le jour même de la réception de la demande et non quatre jours plus tard ! L’ordonnance de référé retient ainsi que « la société Amen ne saurait tirer argument de l’inertie de la société qui assure la domiciliation pour justifier avoir attendu jusqu’au 12 février selon elle, pour faire cesser la diffusion, cessation qui pour pouvoir être qualifiée de prompte aurait dû avoir lieu dès le 8 février » (date de la réception de la demande de retrait).
Il faut donc retirer les informations illicites le jour même, la date de la réception de courrier étant celle qui compte et les aléas liés à l’intervention d’une société de domiciliation étant inopérants. La jurisprudence donne ainsi une indication sur ce que « agir promptement » veut dire. Cette position est déjà critiquée par ceux qui défendent les hébergeurs et s’abritent derrière la loi du 21 juin 2004, estimant que la décision est sévère.
On peut en effet soutenir que procéder au retrait immédiat suppose la possibilité de contrôler le caractère manifestement illicite du contenu, ce qui n’est pas toujours évident, lorsqu’en particulier le contenu est attaqué pour diffamation par exemple. D’autre jugeront au contraire qu’il est temps que les hébergeurs comprennent que la loi pour la confiance dans l’économie numérique ne les exonère pas par principe de toute responsabilité. Une chose est certaine, les récentes décisions de justice (notamment un jugement du 19 octobre 2007) tendent à resserrer l’étau autour des hébergeurs et de leur faire comprendre que la loi ne leur a pas conféré une impunité totale et de principe.
Publications CHRONIQUE JURIDIQUE – LIVRES HEBDO 28 mai 2008