Lors du Midem 2013 à Cannes, la guerre n’était pas loin d’être déclarée entre les majors et You Tube, la plateforme américaine de vidéos en ligne. En effet, le Président d’Universal France, Pascal Nègre, a menacé de retirer ses vidéos si la publicité diffusée avant les vidéos clips ne revenait pas sur la plateforme.
Du côté de Sony, le ton était plus nuancé : « retirer les contenus serait négatif, ce serait un retour vers le passé. Nous devons trouver un accord pour partager la valeur », déclare son Président Stéphane Le Tavernier. Le différent perdure depuis quelques semaines entre les professionnels du secteur musical.
En 2012, la SACEM a signé un accord de diffusion et de rémunération avec You Tube, rétroactif, pour la période 2006-2012 en échange d’un accès au répertoire national et international des titres gérés par la SACEM.
La rémunération était faite en fonction du nombre de visionnages et des formats publicitaires affichés. Cependant, en décembre dernier, la plateforme américaine a cessé de diffuser des publicités sur les vidéos musicales appartenant au répertoire de la SACEM qu’il s’agisse des maisons de disques, de musiciens autoproduits, des artistes interprètes ou des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.
You Tube justifie cette décision par l’expiration du contrat conclu entre la SACEM et You Tube et par les négociations en cours pour de nouveaux contrats à la fois avec la SACEM et avec certains grands éditeurs internationaux qui négocient certains droits en direct.
Dans un communiqué cette dernière a réagit à la décision de You Tube de mettre fin à la monétisation des vidéos musicales françaises et confirme être en négociation avec la plateforme pour la conclusion d’un nouveau contrat portant sur la rémunération des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, producteurs.
La SACEM réclame le rétablissement de la publicité dont l’arrêt signifie le tarissement d’une source de revenus pour les ayants droits. Les interrogations exprimées par You Tube illustrent les difficultés considérables provoquées par la fragmentation des répertoires musicaux en Europe qui a résulté d’une position de la Commission européenne dite « recommandation Luder » en 2005. Dans les faits, cette fragmentation des répertoires a désorganisé le marché européen de la musique et freine son essor handicapant ainsi les grands acteurs du marché numérique de la musique que sont les sociétés d’auteur, de compositeurs et d’éditeurs comme la SACEM, les producteurs de disque et d’autres créateurs et artistes, tout comme les acteurs de la diffusion légale de la musique sur internet. En Allemagne par exemple, le GEMA, l’équivalent allemand de la SACEM, est en conflit avec You Tube depuis 2009.
La plateforme ne propose plus aucun clip aux Allemands. Les majors rappellent que le marché physique est quasiment stable et que les téléchargements progressent bien. Si la menace lancée par les majors est mise à exécution, la France pourrait donc se priver de clips sur You Tube. Déjà en 2009, les majors envisageaient de créer leur propre plateforme ou de signer avec des concurrents américains. La SACEM afin d’améliorer la situation du marché de la musique en ligne prend de nombreuses initiatives concrètes telles que l’instauration de licences multi-territoriales permettant l’utilisation de tout son répertoire comme par exemple avec i tunes, Spotify, Deezer.
Le Syndicat National de l’Edition Phonographique a réagi et veut profiter de cette situation pour remettre sur le devant de la scène leur objectif qui est d’obtenir une rémunération de You Tube et de l’ensemble des « intermédiaires techniques ». Les membres du SNEP estiment que la rémunération qu’ils obtiennent de la publicité est insuffisante pour compenser le transfert de valeur.
Il convient donc désormais de trouver une juste redistribution de la valeur aux différents acteurs de l’économie numérique. Que ce soit sous la forme de partenariats, de taxe ou d’un accord. You Tube doit reverser une partie de ses bénéfices aux éditeurs de contenus musicaux afin que ce blocage prenne fin.