Retour
27 février 2013

Le droit du travail entre en prison

Le 8 février 2013 le conseil des Prud’hommes de Paris rend une décision qui vient bouleverser la jurisprudence en faisant application du droit du travail en milieu carcéral. En effet, rappelons que l’article 717-3 du code de procédure pénale a normalement vocation à s’appliquer pour la population carcérale, laquelle se trouvait donc exclue des règles de droit social, les relations de travail des personnes incarcérées étant considérées comme ne faisant pas « l’objet d’un contrat de travail ». En l’espèce, Une détenue en détention provisoire à la maison d’arrêt de Versailles, avait conclu un « acte d’engagement » comme téléopératrice avec une société. Elle avait ensuite été déclassée au bout de 8 mois d’activité pour avoir passé des appels personnels pendant son temps de travail. Cette dernière a saisi le conseil des Prud’hommes afin de se voir reconnaître d’une part, la qualité de salarié et que d’autre part, son déclassement soit reconnu comme un licenciement abusif. Par cette décision le conseil qualifie la société comme « employeur dans des conditions particulières ». La détenue se voit donc appliquer les dispositions du code du travail et notamment celles concernant le licenciement abusif. L’employeur a donc été contraint de verser à la salariée détenue un rappel de salaire, une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés ainsi que des dommages et intérêts pour la rupture abusive du contrat de travail. Normalement, les conditions de travail en milieu carcéral sont précisées par la loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009 qui dispose dans son article 33 de ladite loi précise pour sa part que la participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l’établissement d’un acte d’engagement par l’administration pénitentiaire.

Cet acte, signé par le chef d’établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération. Et dans son article 32 que la « rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l’article L. 3231-2 du Code du travail, ce taux pouvant varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées ». Le travail en détention n’est donc borné par aucune règle du droit du travail : procédure d’embauche, licenciement, encadrement de la durée du travail, salaire minimum, droit à l’expression collective,… Cette décision du conseil des prud’hommes vient donc modifier le cadre légal. Cependant, elle n’est pas encore définitive puisqu’en appel a été interjeté par la société. Notons qu’un mouvement jurisprudentiel commence à se créer puisqu’en décembre dernier, un détenu a saisi le conseil des prud’hommes de Metz afin de se voir accorder une rémunération sur la base du SMIC. Une question prioritaire de constitutionnalité a été transmise à la Cour de cassation qui dira dans quelques semaines si elle le la transmet au Conseil constitutionnel. Si c’est le cas, ce dernier statuera si le fait d’exclure les détenus du code du travail est conforme à la Constitution et respecte le principe d’égalité devant la loi.