Saisie pour avis par les conseils de prud’hommes de Toulouse et de Louviers, la Cour de cassation s’est prononcée le 17 juillet 2019, en sa formation plénière, sur la compatibilité de l’actuel plafond indemnitaire institué par l’article L. 1235-3 du Code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les normes européennes et internationales.
Cet article L. 1235-3 limite entre 1 et 20 mois de salaire brut le montant de l’indemnité due au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en fonction de son ancienneté dans l’entreprise.
En premier lieu, pour les juges de la Cour suprême, ces dispositions « ne constituent pas un obstacle procédural entravant leur accès à la justice, de sorte qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6, § 1 » de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au droit à un procès équitable.
Au surplus, la Cour s’est prononcée sur l’application en droit interne des dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée. Cet article dispose que « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître (…) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».
La Cour estime donc que ces dispositions « ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers » eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes.
Enfin, sur la compatibilité des dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail avec l’article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de OIT, la Cour rappelle que cet article 10 est d’application directe en droit interne.
Il dispose qu’en cas de licenciement injustifié, les juges ordonne « le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». La Cour considère que « le terme « adéquat » doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appréciation ».
Par conséquent, les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail susvisé sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.
C’est la première fois que la Cour de Cassation apporte des réponses à la question de la compatibilité d’une disposition de droit interne avec les normes européennes et internationales, puisque son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l’analyse d’éléments de fait relevant de l’office du juge du fond.
Il est encore trop tôt pour affirmer que cet avis très attendu, mette définitivement fin au mouvement de fronde initié par plusieurs Conseil de Prud’hommes depuis fin 2018, dans la mesure où les avis de la Cour de Cassation ne s’imposent pas aux juges du fond.
Les premiers arrêts des Cours d’appel saisies de la contestation de jugements ayant écarté le barème de l’article L.1235-3 du Code du Travail, sont attendus pour cet automne et donneront une première mesure de l’impact de cet avis.
A suivre …