La reprise partielle des paroles d’une chanson sans mélodie ne constitue pas un acte contrefaçon ou de parasitisme
Par un jugement du 21 janvier 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a jugé que la nouvelle publicité de la MAAF, dans laquelle les personnages déclament à plusieurs reprises « Rien à faire, c’est la maaf qu’il (elle) préfère » et « C’est la Maaf que je préfère » sans chanter l’air ou reprendre entièrement le texte de la chanson originale, ne constitue pas une contrefaçon ni un acte de parasitisme.
Depuis 2004, la MAAF était contractuellement autorisée à réenregistrer la chanson « C’est la ouate », en l’adaptant à des fins publicitaires. Un contrat conditionnant les modalités d’adaptation de ce titre avait été signé entre la société d’édition musicale UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING et l’ancien agent publicitaire de la MAAF, la société POSSIBLE. Après deux renouvellements, ce contrat a pris fin le 11 mars 2019.
En décembre 2019, la MAAF a présenté une nouvelle campagne publicitaire sur sa chaîne YouTube dans laquelle ses personnages jouent des petites scènes où la réplique « Rien à faire, c’est la MAAF qu’il/je préfère » peut-être entendue à plusieurs reprises.
A la suite de la diffusion de cette nouvelle publicité, le compositeur et les deux co-auteurs des paroles de « C’est la ouate » ont mis en demeure la MAAF de cesser l’usage de leur nouveau slogan, considérant que, par ses caractéristiques, la publicité litigieuse constituait une adaptation non autorisée du refrain de leur œuvre et ce même en l’absence de reprise de la mélodie. Leur mise en demeure n’ayant pas aboutie, ils ont assigné la MAAF en contrefaçon de droits d’auteur et subsidiairement pour des actes de parasitisme.
Dans un premier temps, les juges ont reconnu, sur la base des arguments apportés (rythme et structure de l’expression), le caractère original de l’expression reprise et donc la protection de celle-ci au titre du droit d’auteur. Ils ont ensuite procédé à une analyse comparative des répliques du spot publicitaire pour déterminer l’existence d’une éventuelle contrefaçon.
Les juges écartent la contrefaçon en notant le fait que la mélodie de la chanson n’a pas du tout été reprise au sein de la publicité et que « n’a été conservée que la chute de la phrase, c’est-à-dire le verbe « préférer » conjugué à la première ou à la troisième personne ». Ainsi « cette seule reprise ne peut être considérée comme la contrefaçon de l’expression litigieuse dans sa combinaison originale, dès lors qu’aucune autre des caractéristiques revendiquées n’a été utilisée ».
Les co-auteurs et le compositeur considéraient par ailleurs que l’usage de l’expression susmentionnée constituait un agissement parasitaire visant à entretenir un risque de confusion dans l’esprit du public, lequel continuerait de penser que la MAAF adapte encore la chanson originale.
Sur ce point, le Tribunal commence par rappeler que l’existence d’actes distincts de ceux qui fondent l’action en contrefaçon n’est pas requise en matière de parasitisme et qu’ils ne nécessitent pas, comme en matière de concurrence déloyale, que soit établi un risque de confusion auprès du public concerné.
Le tribunal admet ensuite que la reprise de la phrase « Y’a rien à faire c’est la Maaf qu’il préfère » traduit la volonté, de la part de la MAAF, de maintenir le lien avec ses publicités précédentes qui ont grandement participé au succès des services proposés par la MAAF. Mais, il note que « la notoriété de ce slogan, qui justifie sa reprise au sein de la nouvelle campagne publicitaire de la Maaf, est le fruit de ses propres investissements et non de ceux des auteurs, ce qui ne peut être contesté au vu des campagnes publicitaires massives de la demanderesse. Enfin, loin de traduire la volonté de la MAAF de se mettre dans le sillage de la chanson « C’est la ouate », le changement d’univers de sa campagne publicitaire au profit d’une parodie de films d’espionnage traduit au contraire la recherche d’un nouveau positionnement visant à s’en écarter ». Les demandes fondées sur le parasitisme ont donc été également rejetées.
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Tribunal Judiciaire de Paris, 3e chambre, 2e section, 21 janvier 2022