La règle de conflit de lois applicable à la détermination du titulaire des droits d’artiste-interprète désigne la loi du pays où la protection est réclamée.
Trois artistes interprètes ont engagé la responsabilité des sociétés Culture Press et Emi music France sur le fondement de l’article L.212-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) après avoir découvert que plusieurs albums et compilations commercialisés en France reproduisaient sans leur autorisation les enregistrements de leurs prestations fixées en Jamaïque entre 1964 et 1985. En effet, l’article L.212-3 du CPI dispose notamment que « sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public ».
Les sociétés Emi et Culture Press, pour se défendre, invoquaient l’application de la loi du pays de la première fixation, le Copyrigt Act de 1911, selon lequel « la personne qui est propriétaire des bandes mères à la date où elles ont été réalisées sera considérée comme étant le titulaire des droits ».
Mais la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 14 décembre 2011, a condamné les deux sociétés pour atteinte aux droits des artistes interprètes, considérant que c’était bien la loi française qui était applicable. Eu égard aux dispositions du CPI précitées, la Cour a jugé que les sociétés avaient fabriqué et commercialisé les phonogrammes litigieux en France, reproduisant ainsi la prestation des artistes interprètes jamaïcains sans leur accord, ce qui portait nécessairement atteinte à leurs droits voisins.
Les deux sociétés ont alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation pour connaître la loi applicable, invoquant à nouveau l’application du Copyright Act, ainsi que l’article 20 de la Convention de Rome du 26 octobre 1961. Mais la Cour de cassation, dans son arrêt du 19 juin 2013, rejette le pourvoi et désigne la loi du pays où la protection est réclamée. La décision d’appel est confirmée en ce qu’elle a considéré les dispositions du CPI comme applicables ainsi que l’atteinte portée aux droits des artistes interprètes.
Cette jurisprudence s’inscrit dans la droite lignée de celle initiée par la décision du Rideau de fer du 22 décembre 1959, arrêt de principe ayant appliqué la loi française aux atteintes portées en France à des œuvres musicales composées par des auteurs russes, et depuis lors étendu en matière de droits voisins pour des cas similaires.