La Cour de cassation exonère les sociétés Google du chef d’injure publique née de sa fonctionnalité « Suggest »
Le 19 juin 2013, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt qui vient alimenter la saga judiciaire des « Google suggest », fonctionnalité du moteur de recherche offrant des propositions en cours de saisie lorsqu’une requête est entamée par un internaute.
En l’espèce, la Société Lyonnaise de Garantie poursuivait la société Google Inc., la société Google France ainsi que le Directeur de la publication du site google.fr du chef d’injure publique, le demandeur se plaignant de l’apparition, lors de la saisie des termes « Lyonnaise de G » sur le moteur de recherche, des propositions « Lyonnaise de garantie, escroc » au 3e rang des suggestions.
La Cour d’appel de Paris, le 14 décembre 2011, avait fait droit à cette demande et ordonné au directeur de la publication du site, civilement responsable, de supprimer les suggestions apparaissant sur le service au motif que « le fait de diffuser auprès de l’internaute l’expression « Lyonnaise de garantie, escroc » correspond à l’énonciation d’une pensée rendue possible uniquement par la mise en œuvre de la fonctionnalité en cause », alors que Google était à l’origine de la base de données constituée pour ce faire.
La Cour de cassation, dans l’arrêt du 19 juin dernier, casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel énonçant que la « fonctionnalité aboutissant au rapprochement critiqué est le fruit d’un processus purement automatique dans son fonctionnement et aléatoire dans ses résultats, de sorte que l’affichage des « mots clés » qui en résulte est exclusif de toute volonté de l’exploitant du moteur de recherche d’émettre les propos en cause ou de leur conférer une signification autonome au-delà de leur simple juxtaposition et de leur seule fonction d’aide à la recherche » et renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Versailles.
Ce n’est pas la première fois que les sociétés Google sont poursuivies relativement à la fonctionnalité « Suggest » et les différentes décisions rendues par la Haute Juridiction ne semblent pas toujours cohérentes. Dans une affaire de droit d’auteur, il avait été constaté que Google Suggest orientait les internautes voulant télécharger de la musique sur Internet vers des sites de téléchargement illégal en suggérant « torrent » ou « megaupload » associé au nom d’un artiste. Le Syndicat national de l’édition phonographique avait alors assigné les sociétés Google Inc. et Google France et la Cour d’appel de Paris avait débouté le Syndicat, rappelant que « le service Google Suggest est un service qui fonctionne de manière automatique » de sorte que la responsabilité de la firme californienne ne pouvait être mise en cause, puisque « le téléchargement de tels fichiers suppose un acte volontaire de l’internaute » (CA Paris, Pôle 5, 3 mai 2011). Pourtant, la Cour de cassation avait infirmé l’arrêt (Cass., 1ère civ., 12 juillet 2012, n° 11.20358), les juges ayant estimé que « les mesures sollicitées [la suppression des suggestions]tendaient à prévenir ou à faire cesser cette atteinte », qu’ainsi, les « sociétés Google (qui) pouvaient ainsi contribuer à y remédier en rendant plus difficile la recherche des sites litigieux [les sites de téléchargement illégal], sans, pour autant, qu’il y ait lieu d’en attendre une efficacité totale ».
On en déduit que la Haute Cour distingue l’incitation au téléchargement illégal du chef d’injure publique pour engager la responsabilité de la firme californienne. Pourtant, dans les deux cas, la fonctionnalité « Suggest » mise en cause reste « le fruit d’un processus automatique » et Google a toujours la possibilité de supprimer les suggestions litigieuses.