Droit moral : La synchronisation d’extraits d’une chanson dans un film ne constitue pas, en soi, une violation du droit moral de l’auteur
Selon un arrêt du 28 février 2024 de la Cour de cassation, la synchronisation sous la forme d’extraits d’une œuvre musicale dans un film ne constitue pas automatiquement une atteinte au droit moral.
Dans cette affaire, deux extraits de la chanson « Partenaire particulier » ont été utilisés dans la bande sonore du film « Alibi.com ».
Les ayants-droit considéraient que l’utilisation d’extraits de la chanson constituait, par principe, une atteinte à l’intégrité de l’œuvre, qui devrait être entendue dans son intégralité.
La Cour de cassation rejette le pourvoi des demandeurs en confirmant la position de la Cour d’appel selon laquelle « l’utilisation d’une œuvre musicale par synchronisation dans la bande sonore d’une œuvre audiovisuelle, se faisant nécessairement sous la forme d’extraits, ne saurait être regardée par principe comme réalisant une atteinte à l’intégrité de l’œuvre et au droit moral de l’auteur ou de l’artiste-interprète ».
La Cour souligne également qu’il incombe à celui qui allègue une telle atteinte de la justifier.
En appel, les ayants-droit affirmaient que le découpage de l’œuvre avait été fait sans leur accord et que la reprise de la chanson en duo par des acteurs du film constituait une altération. Enfin, ils affirmaient que l’esprit sentimental de l’œuvre avait été dénaturé en raison du caractère vulgaire du film et des allusions sexuelles explicites.
Or, la Cour d’appel avait jugé que l’atteinte n’était pas caractérisée, notamment en l’absence de démonstration d’une altération de la mélodie, du rythme ou des paroles de la chanson.
Elle avait considéré qu’il n’était pas démontré que la reprise en duo constituait une atteinte ou que l’esprit de l’œuvre avait été altérée par le film qu’ils jugeaient eux-mêmes vulgaire. Puis, la Cour a relevé que les paroles de la chanson reposaient sur des allusions sexuelles et que les auteurs avaient déjà consenti dans le passé à une dévalorisation de l’esprit de l’œuvre en acceptant une utilisation dans un spot publicitaire pour des médicaments contre le mal de tête dans laquelle l’air de la chanson était joué par une flûte stridente et sonnant faux.
Enfin, les demandeurs invoquaient comme autre moyen de cassation l’absence de contrat d’exploitation signé entre le producteur et les sous-exploitants.
Si le contrat n’avait pas encore été signé, la Cour d’appel a considéré que le producteur avait donné son accord après des négociations de plus de six mois, décrivant l’ensemble des conditions d’exploitation.
La Cour de cassation rappelle donc que les dispositions du code de la propriété intellectuelle régissant les contrats d’auteur ne s’appliquent qu’aux contrats conclus par l’auteur dans l’exercice de son droit d’exploitation, et non aux relations entre le producteur et les sous-exploitants.
Civ. 1ère, 28 février 2024, n°22-18.120