CJUE : Limitation de la règle d’épuisement du droit de distribution de biens tangibles
Par un arrêt en date du 22 janvier 2015, la CJUE a tenté de définir un juste équilibre entre les droits et les intérêts des différentes catégories de titulaires de droits et ceux des utilisateurs d’objets protégés.
En l’espèce, une société a commercialisé sur ses sites internet des affiches en papier reproduisant des œuvres de peintres célèbres sur lesquelles la société de gestion collective néerlandaise « Pictoright » détient des droits d’auteur et dont elle avait autorisé la reproduction.
Puis, cette société a commercialisé de nouvelles reproductions d’œuvres protégées en remplaçant le support en papier d’origine par une toile. Pictoright s’est opposée à cette exploitation considérant qu’il s’agissait d’un nouvel acte de reproduction. Cependant, la société estime que la règle d’épuisement du droit de distribution prévue à l’article 4 de la directive 2001/29 exclut une telle revendication.
Cette règle implique que lorsqu’un titulaire de droits d’auteur a donné son consentement à la mise sur le marché sur un territoire de l’Union Européenne d’un exemplaire de son œuvre, il ne peut plus en contrôler les distributions subséquentes sur d’autres territoires de l’Union.
Dans le cadre du litige qui opposait les deux sociétés, la Cour de cassation néerlandaise a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne sur l’applicabilité de la règle d’épuisement du droit de distribution lorsque le support de la reproduction d’une œuvre protégée(commercialisée dans l’Union avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur) a été modifié et lorsque ce nouveau support a fait l’objet d’une nouvelle commercialisation.
Il importe donc déterminer si l’objet modifié, apprécié dans son ensemble, est en soi, matériellement l’objet qui a été mis sur le marché avec le consentement du titulaire du droit.
Les juges de la CJUE ont rappelé que la rémunération des titulaires de droits d’auteur doit être appropriée et doit pour ce faire être en rapport raisonnable avec la valeur économique de l’exploitation de l’objet protégé.
Or, il a été estimé en l’espèce que la valeur économique des transferts sur toile mis en œuvre par la société dépasse de manière significative celle des affiches en papier.
En conséquence, la CJUE a limité l’application de la règle d’épuisement du droit de distribution en raison de la modification du support de l’œuvre protégée, et a ainsi estimé qu’une telle commercialisation constituait un nouvel acte de reproduction nécessitant l’autorisation du titulaire des droits d’auteur.
Si cette question a été résolue très clairement par la CJUE au regard de biens tangibles, on peut se demander si cette décision de principe s’appliquerait de manière identique à l’exploitation numérique.