Pluralité de motifs invoqués au soutien d’un licenciement : un seul suffit à le justifier
Une lettre de licenciement peut contenir plusieurs motifs personnels, à condition que chaque motif procède de faits distincts, et que l’employeur respecte les règles de procédure applicables à chaque motif.
Si le juge constate que l’un de ces motifs procède d’un motif réel et sérieux, le licenciement est justifié.
Faits : Une salariée d’une étude notariale a été licenciée pour faute grave et pour insuffisance professionnelle.
L’employeur lui reprochait :
- Des erreurs commises dans l’application de règles s’imposant dans le cadre de son activité professionnelle réglementée (constitutives d’une faute disciplinaire) ;
- Des manquements professionnels, tels que le non-respect des règles internes de l’étude et des erreurs et omissions dans la gestion des dossiers (relevant d’une insuffisance professionnelle).
La motivation de la lettre de licenciement reposait donc sur ces deux motifs distincts.
Procédure : La salariée a saisi la juridiction prud’homale afin de contester le bien-fondé de son licenciement.
La cour d’appel retient que le licenciement prononcé est dénué de cause réelle et sérieuse, considérant que la faute grave n’est pas établie et que l’insuffisance professionnelle, motif non disciplinaire et donc incompatible, doit être écartée d’office.
En d’autres termes, les juges d’appel ont estimé que la lettre de licenciement ne pouvait pas s’appuyer à la fois sur un motif disciplinaire et sur un motif non-disciplinaire tel que l’insuffisance professionnelle.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation.
Solution : La Haute juridiction casse l’arrêt d’appel, au visa de l’article L. 1232-6 du Code du travail, qui dispose « Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur ».
Elle énonce que « la lettre de licenciement reprochait à la salariée, en plus du non-respect des règles applicables à l’acte authentique qualifié de fautif, des griefs correspondant à des manquements professionnels relevant d’une insuffisance professionnelle, ce dont il résultait qu’elle devait rechercher s’ils ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ».
Ainsi, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, il est loisible à l’employeur d’invoquer, dans la lettre de licenciement, des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors que ceux-ci procèdent de faits distincts.
Ainsi, l’employeur pouvait valablement licencier la salariée tout à la fois pour faute grave et pour insuffisance professionnelle.
Conclusion : En cas de licenciement fondé sur plusieurs motifs, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux de chaque motif invoqué. Un seul peut suffire à justifier le licenciement (et, le cas échéant, pallier les lacunes de l’autre).
Cette solution s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation.
En effet, elle avait déjà eu l’occasion de juger que si après examen de l’ensemble des motifs, le juge relève que pour chacun d’eux les règles de procédure ont été respectées, le bien-fondé d’un seul motif suffit à justifier le licenciement (Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-14.408). Les faits de cet arrêt étaient très similaires à celui commenté ici, puisque le salarié avait été licencié pour insuffisance professionnelle et pour faute grave.
L’intérêt est grand donc pour l’employeur d’invoquer des motifs distincts dans la lettre de licenciement, puisqu’il suffit que l’un d’entre eux procède d’une cause réelle et sérieuse pour que le licenciement soit justifié.
Cass. soc., 3 avril 2024, n° 19-10.747