Employeurs : soyez vigilants dans les reproches formulés à un salarié lors de son entretien annuel d’évaluation
Dans un arrêt récent en date du 2 février 2022, une solution adoptée par la chambre sociale de la Cour de cassation appelle à la vigilance des employeurs dans les reproches formulés à l’encontre des salariés à l’occasion de l’entretien annuel d’évaluation.
Explications.
Pour rappel, en droit disciplinaire, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits.
Concrètement, un employeur ne peut s’appuyer sur un fait déjà sanctionné (par un avertissement ou une mise à pied disciplinaire ou par toute autre sanction) au soutien d’une seconde sanction ultérieure.
En l’espèce, au cours d’un entretien annuel d’évaluation, un employeur reproche à un salarié :
- Son attitude dure et fermée aux changements
- Des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique dont il avait la charge
- Le non-respect des normes réglementaires
En outre, les critiques étaient accompagnées d’une mise en garde relative au comportement du salarié.
A cette fin, l’employeur avait exhorté le salarié à changer d’attitude impérativement et sans délai.
Le tout étant consigné dans un compte-rendu écrit.
Quelques temps plus tard, ce même salarié fait l’objet d’un licenciement pour faute, sur la base des mêmes griefs que ceux évoqués lors de l’entretien annuel d’évaluation.
Le salarié, contestant son licenciement en justice, invoque habilement l’argument selon lequel les reproches formulés lors de l’entretien – ainsi que l’injonction au changement – constituaient en réalité une sanction disciplinaire (à savoir un avertissement), de sorte que l’employeur ne pouvait valablement invoquer à nouveau ces griefs au soutien d’une nouvelle sanction.
La Cour d’appel suit son raisonnement, et, jugeant que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, entre en voie de condamnation à l’encontre de l’employeur.
Ce dernier se pourvoit en cassation.
La question soumise à la Cour était, somme toute, assez simple : un employeur peut-il sanctionner un salarié en se fondant sur des reproches formulés auparavant lors d’un l’entretien annuel d’évaluation ?
La Cour de cassation répond par la négative, selon un attenu rédigé comme suit : « Après avoir relevé que, dans son compte rendu d’entretien, l’employeur reprochait au salarié son attitude dure et fermée aux changements, à l’origine d’une plainte de collaborateurs en souffrance, des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique et le non-respect des normes réglementaires, et l’invitait de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total, la cour d’appel en a exactement déduit que ce document comportant des griefs précis sanctionnait un comportement considéré comme fautif et constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier un licenciement ultérieur. »
Selon la Cour, dans cette affaire, l’employeur devait être considéré avoir comme ayant sanctionné son salarié, aux motifs que :
- Les manquements invoqués par l’employeur étaient précis
- Etait ainsi reproché au salarié un comportement fautif
- Les griefs énumérés étaient assortis d’une mise en garde de l’employeur.
En conclusion : il convient d’être très précautionneux dans la rédaction du compte-rendu de l’entretien annuel d’évaluation, en particulier en ce qui concerne les critiques formulées et axes d’amélioration attendus, au risque de ne plus pouvoir invoquer ultérieurement ces griefs au soutien d’une sanction disciplinaire.
Décision commentée : Cass. Soc., 22 février 2022, n° 20-13.833