La Cour de Cassation réaffirme la protection accordée à la liberté d’expression des salariés au sein de l’entreprise
Au cœur des droits des salariés se situe la liberté d’expression, liberté fondamentale dont tout salarié jouit au sein de l’entreprise comme à l’extérieur.
Pour rappel, l’employeur ne peut apporter de restrictions à la liberté d’expression de ses salariés qui ne seraient pas justifiées par la nature des tâches à accomplir, ni proportionnées au but recherché.
Ainsi, la liberté d’expression des salariés n’est pas absolue, et le salarié ne peut abuser de ce droit. Il y a, selon la jurisprudence, abus du droit de liberté d’expression lorsque le salarié tient des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
Mais qu’en est-il d’un salarié qui dénonce les pratiques litigieuses de son entreprise ?
Dans cette affaire, un salarié a été licencié après avoir menacé son employeur de saisir la compagnie régionale des commissaires aux comptes. Cette saisine aurait été motivée par l’existence, selon le salarié, d’une situation de conflit d’intérêts dans la société qui l’emploie (à la suite de cas d’auto-révision sur plusieurs entreprises), prohibée par le Code de déontologie de la profession.
Il avait avisé la société par courrier de son intention quelques jours auparavant.
La Cour de cassation répond : « En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement, est frappé de nullité.»
Selon la Cour, donc, l’un des pendants de la liberté d’expression des salariés est leur droit de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail.
Les salariés lanceurs d’alerte sont ainsi protégés contre toute mesure de rétorsion, sous réserve toutefois des conditions cumulatives suivantes (qui sont rappelées par la Cour dans son arrêt) :
- Le salarié doit avoir connaissance des faits qu’il dénonce dans l’exercice de ses fonctions
- Les faits, s’ils étaient établis, doivent être de nature à caractériser une violation des obligations déontologique, où constitutifs d’un crime ou d’un délit
- Le salarié doit être de bonne foi
Sous ces réserves, est nul le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir dénoncé des pratiques possiblement répréhensibles de la société qui l’emploie.
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(Cass soc., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-10.057).