Rappel du principe de l’indépendance entre la propriété incorporelle d’une œuvre et la propriété de son support matériel, et de ses conséquences en matière de vente des planches originales de bandes dessinées
Par un arrêt du 19 mai 2021, la Cour de cassation rappelle une fois de plus que la propriété incorporelle sur une œuvre est indépendante de la qualité de propriétaire du support matériel de celle-ci, et rejette le pourvoi d’un co-auteur de planches originales de bandes dessinées formé sur le fondement des articles L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle et 2276 du Code civil.
En l’espèce, le dessinateur et le scénariste des bandes dessinées « Le Vagabond des Limbes » et « Chroniques du temps de la vallée des Ghosmes » s’opposaient sur la propriété des planches originales de ces bandes dessinées. Le dessinateur revendiquait la propriété exclusive de ces supports et donc la possibilité de les vendre librement, tandis que le scénariste lui opposait une copropriété sur ces planches et lui reprochait des actes de contrefaçon pour avoir consenti à leur vente sans son autorisation.
En raison des instructions données par le scénariste au dessinateur sur le contenu et l’apparence des planches, la Cour de cassation admet que les planches litigieuses constituent incontestablement des œuvres de collaboration, de sorte que le dessinateur et le scénariste bénéficient tous deux des prérogatives morales et patrimoniales associées à cette qualité.
Néanmoins, la qualité de coauteur ne consacre en aucun cas la qualité de copropriétaire. En effet, en rappelant l’article 2276 du Code civil selon lequel la possession mobilière vaut titre, et en constatant que le dessinateur était le seul détenteur des planches litigieuses, la Cour de cassation estime que les juges d’appel en ont alors justement déduit que seul le dessinateur en était le propriétaire.
La Cour de cassation sous-entend que la solution aurait pu être différente en présence d’une clause réglant le sort de la propriété matérielle des planches en tant qu’objets matériels.
Par une telle décision, la Cour de cassation réaffirme donc un principe fondamental du droit de la propriété intellectuelle mais en appelle également à la prévoyance des coauteurs quant à l’attribution de la propriété des supports originaux de leurs œuvres.
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Décision commentée : Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 mai 2021, 20-11.121.