L’impact de la réforme de la prescription sur le droit de la propriété littéraire et artistique
ISABELLE WEKSTEIN
La loi du 17 juin 2008 a eu pour objectif de réaménager les dispositions du Code Civil relatives à la prescription, et particulièrement celles de la prescription extinctive. En effet, celle-ci, définie comme « un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps », était régie par un ensemble de règles critiqué pour sa complexité, pour son inadaptation à la société actuelle, son insécurité juridique et son manque de cohérence au sein du droit français. En outre, la comparaison avec les droits des pays européens démontrait un écart important dans la durée de la prescription (les délais de prescription de droit commun sont de 3 ans en Allemagne, de 6 ans au Royaume-Uni ou encore de 10 ans en Italie et en Suède).
L’objectif de la réforme a donc été de simplifier de manière générale les règles relatives à la prescription, en réduisant d’une part leur nombre et d’autre part leur durée. Réserve importante, l’article 1 de la loi du 17 juin 2008 dispose que « les dispositions du présent titre ne font pas obstacle à l’application des règles spéciales prévues par d’autres lois ». Par conséquent, les règles prévues notamment par la loi de 1881 sur la liberté de la presse ou encore celle de l’article L321-1 CPI (prescription de l’action en paiement des droits perçus par les sociétés civiles de gestion collective) restent inchangées. En outre, le champ d’application de cette réforme est limité aux matières civiles, et exclut ainsi le droit pénal. Toutefois le droit de la propriété littéraire et artistique, bénéficie largement de cette simplification. En effet, on sait que le régime de la prescription en droit de la propriété intellectuelle était source de nombreuses interprétations et divergences.
En ce qui concerne l’action en contrefaçon en matière de propriété intellectuelle, aucune disposition du Code de la Propriété Intellectuelle ne prévoyant de règle spéciale, il était fait recours au droit commun, c’est-à-dire à l’article 2270-1 du Code Civil instituant une prescription de 10 ans. Au contraire, s’agissant de l’action fondée sur une inexécution ou une mauvaise exécution contractuelle, la jurisprudence appliquait ici encore le droit commun, à savoir l’article 2262 ancien du Code Civil. La prescription de l’action en contrefaçon en matière contractuelle était donc de 30 ans. Les prescriptions en matière de nullité de contrat d’édition pouvaient aller de cinq ans (nullité relative) à trente ans (nullité absolue). Aujourd’hui, sous réserve des dispositions transitoires, l’action en contrefaçon comme l’action fondée sur le non respect d’un contrat se prescrivent par 5 ans.
Le point de départ de cette prescription est celui consacré par la jurisprudence antérieure, à savoir « le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ». Est donc pris en compte le moment de la révélation de l’acte et non celui de sa réalisation. Néanmoins, l’insertion d’un délai butoir dans le Code Civil prévoit que l’action ne peut être engagée plus de 20 ans après les faits. Par conséquent, lorsque la connaissance des faits intervient après ce délai de 20 ans, aucune action n’est plus envisageable. Par ailleurs, la réforme de la prescription organise de nouveaux cas de suspension et d’interruption des délais de prescription qui permettent un « rallongement » de la durée de la prescription. L’article 2238 nouveau du CC prévoit ainsi la suspension de la prescription quand les parties ont recours à la médiation ou à la conciliation. Quant aux nouveaux cas d’interruption, l’article 2241 nouveau CC dispose qu’une demande en justice, même en référé, et l’annulation d’un acte de saisine pour vice de procédure interrompent la prescription. Enfin, une nouveauté essentielle de la réforme consiste dans la possibilité offerte aux parties à un contrat d’aménager eux-mêmes la prescription. En effet, les parties à un contrat peuvent désormais d’une part allonger ou réduire la durée des délais de prescription qui les concernent (dans la limite de 1 à 10 ans), et d’autre part prévoir de nouvelles causes d’interruption et de suspension de ces délais.
Publications LIVRE HEBDO 20 février 2009