La responsabilité du dirigeant social vis-à-vis des tiers n’est que très rarement retenue par les tribunaux. Ceci est justifié par le fait que la société fait écran entre ce dirigeant et celui qui, extérieur à la société le poursuit aux fins d’obtenir réparation du préjudice qu’il estime avoir subi en raison de la faute que le dirigeant a commis à son encontre. Cette responsabilité ne se conçoit qu’en cas de « faute détachable des fonctions » laquelle n’est admise que dans des conditions très strictes (Com. 20 mai 2003, n°99-17.092).
L’arrêt dont il est ici question est relatif à la question inédite de l’éventuelle responsabilité non pas du dirigeant mais de l’associé vis-à-vis des tiers.
En l’espèce, il était reproché à l’associé majoritaire d’une société d’avoir modifié la règle d’unanimité prévue par les statuts de ladite société, ce qui avait eu pour effet de résilier de plein droit un contrat d’enseigne, rendant juridiquement impossible la continuation d’une convention s’inscrivant dans le cadre de l’exploitation de cette enseigne. Le tiers cocontractant de ce contrat d’enseigne avait subi du fait de cette résiliation un lourd préjudice.
Dans cet arrêt, même si la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel qui avait déclaré responsable pour faute l’associé à l’égard de son cocontractant (l’associé avait été déclaré responsable in solidum avec la société), elle n’en retient pas moins le principe d’une telle responsabilité. Cette responsabilité ne pourra être retenue que si l’associé a commis une « faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des prérogatives attachées à la qualité d’associé, de nature à engager sa responsabilité personnelle envers le tiers contractant de la société ».
La formule employée par la Cour de cassation intègre les infléchissements de la jurisprudence en matière de responsabilité du dirigeant vis-à-vis des tiers. Il en ressort une certaine « subjectivisation » dans l’appréciation de la faute détachable, laquelle semble désormais appréciée au regard de l’anormalité du comportement du dirigeant.
Sera donc aujourd’hui qualifiée de faute détachable, la faute du dirigeant « particulièrement anormale » ou d’une « anormalité flagrante ». C’est d’ailleurs précisément à cette anormalité que se réfère cet arrêt. Celui-ci confirme également la politique de la Cour de cassation quant au contrôle de la faute détachable, laquelle requiert véritablement des juges du fond d’en caractériser l’existence en opérant un contrôle de motivation via la vérification de la base légale de la décision des juges du fond.