Nullité de la cession de parts sociales par le dirigeant d’une société en redressement judiciaire
Au moment du redressement judiciaire de plusieurs sociétés d’un groupe, cinq anciens salariés avaient constitué une SARL en vue de déposer une offre de reprise et de souscrire des parts sociales. Ladite SARL s’est portée acquéreur de l’intégralité des actifs du groupe.
Par un jugement arrêtant le plan de redressement organisant la cession totale des actifs du groupe au profit de la SARL, celle-ci a embauché l’ex-dirigeant en tant que directeur avec des pouvoirs élargis. Ce dernier, s’est fait remettre par deux salariés acquéreurs deux actes de cession de parts.
Les salariés acquéreurs ont donc assigné le dirigeant ainsi que la SARL afin que soit prononcée l’annulation des actes de cession de parts et celle des actes subséquents à leur enregistrement et à leur publication, que soient ordonnées des mesures de remises en état consécutives à ces annulations et que le dirigeant soit condamné au paiement de dommages et intérêts. La cour d’appel d’Orléans dans un arrêt du 16 juin 2011 a accueilli les demandes des salariés acquéreurs et a affirmé « qu’en tant qu’ils permettaient une interposition de personnes prohibée par les dispositions prévues à l’article L.621-57 du code de commerce, le prêt consenti par le dirigeant et les cessions de parts sociales, que ce dernier présente lui-même comme une garantie destinée à assurer la bonne fin du prêt, ont été l’instrument d’une fraude à la loi. » Un pourvoi en cassation est donc formé par le dirigeant.
La Cour de cassation dans cet arrêt du 25 septembre 2012 le rejette et confirme la solution de la cour d’appel. En effet, les conventions passées entre l’ancien dirigeant d’une société en redressement judiciaire et les salariés lui permettant de faire une offre de reprise de la société en difficultés sont nulles car cette opération, constituant une violation d’une règle d’ordre public, revêt un caractère illicite. Aussi en l’espèce ce n’est pas la validité de la société qui est remise en cause mais de la cession des droits sociaux par laquelle devait se dénouer cette interposition de personnes. La solution adoptée par la Cour de cassation est irréfutable.
En effet, les dirigeants d’une société en redressement judiciaire ne sont pas admis « directement ou par personne interposée, à présenter une offre », les juges sanctionnant une telle interposition dans différentes affaires tantôt sur le fondement de l’illicéité de la cause ou de l’objet de la convention qui l’organise, tantôt sur le fondement de la fraude. Cette solution est transposable sous l’empire de l’article L.642-3 du Code de commerce posant la condition suivante : le repreneur des actifs d’un débiteur soumis à une procédure collective doit avoir la qualité de tiers.
Cet article prohibe les interpositions de personnes et en précise les contours. « Il est fait interdiction à ces personnes d’acquérir, dans les cinq années suivant la cession d’acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de cette société. »