Incidences du Brexit sur le régime de la marque de l’UE
Le 29 mars dernier, la Première ministre britannique Theresa May a formellement notifié l’intention du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, conformément à l’article 50 du Traité sur l’UE (TUE).La sortie du Royaume-Uni ne sera toutefois effective qu’une fois un accord de retrait négocié avec les institutions de l’Union Européenne (UE). A cet égard, en vertu de l’article 50 TUE, la négociation d’un accord de retrait peut durer jusqu’à deux ans au maximum. Le Conseil européen et le Royaume-Uni disposent cependant de la possibilité de proroger ce délai.
Quelle que soit la durée nécessaire pour formaliser cet accord de retrait, la sortie effective du Royaume-Uni de l’UE entraîne son lot de conséquences dans le domaine de la propriété intellectuelle, notamment en ce qui concerne le régime de la marque de l’UE .
Une marque de l’UE peut se définir comme « un droit exclusif qui protège les signes distinctifs, valable dans l’ensemble de l’UE, et enregistré directement auprès de l’EUIPO conformément aux conditions prévues par les règlements relatifs aux marques[1]. ».
Il est possible d’identifier trois problématiques soulevées par le Brexit :
1. Le dépôt de marque au Royaume-Uni pour les titulaires de marques de l’UE
Les titres bénéficiant d’une protection au titre d‘une marque de l’UE perdront cette protection pour le territoire britannique une fois le Royaume-Uni officiellement retiré de l’Union. La marque de l’UE est en effet un titre particulier qui bénéficie d’un champ de protection limité au territoire des seuls Etats-membres.
Ainsi, le titulaire d’une marque de l’UE souhaitant s’assurer de la protection de sa marque sur le territoire du Royaume-Uni devra :
–> Pour les marques de l’UE déjà en existence
Les titulaires de marque de l’UE déjà en existence disposeront de deux options pour continuer de bénéficier d’un droit privatif sur le territoire britannique :
Option 1 : procéder à un dépôt devant les autorités britanniques compétentes
Les titulairesd’une marque de l’UE peuvent effectuer une demande de dépôt de marque devant l’office national britannique : l’Intellectual Propery Office (IPO).
Le dépôt d’une marque devant l’IPO permet de protéger cette marque sur l’ensemble du territoire du Royaume-Uni (Angleterre, pays de Galles, Ecosse et Irlande du Nord) ainsi que sur le territoire britannique de l’océan Indien, sur les Îles Malouines, et sur l’Ile de Man[2].
Afin de protéger et de préserver l’antériorité des titulaires de marques de l’UE déjà en existence, il est toutefois possible d’envisager la création de mécanismes de conversion des droits portant sur une marque de l’UE précédemment déposés devant l’EUIPO (European Union Intellectual Property Office) en titre britanniques.
Option 2 : procéder à une demande de conversion de l’enregistrement d’une marque de l’UE en marque nationale
Il sera également possible aux présents titulaires de marques de l’UE de demander la conversion de leur marque en une marque nationale au visa des articles 112 à 114 du Règlement (CE) 207/2009 du 26 février 2009.
Cette procédure n’est néamoins pas dénuée de toute contrainte.
En particulier, le dépôt d’une requête en transformation auprès de l’EUIPO est subordonné au paiement d’une taxe de transformation.
La requête est ensuite transmise au service central de la propriété industrielle, qui peut alors exiger que le demandeur, dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois :
- S’cquitte la taxe nationale de dépôt ;
- Produise, dans l’une des langues officielles de l’État en cause, une traduction de la requête et des pièces jointes au soutine de celle-ci ;
- Élise domicile dans l’État en question ;
Fournisse une reproduction de la marque en un nombre d’exemplaires précisé par l’État en question.
–> Pour les marques non précédemment enregistrées auprès de l’EUIPO (marques post-Brexit)
Une fois le Brexit acté, les titulaires de marques non précédemment enregistrées auprès de l’EUIPO et désireux de bénéficier d’une protection au Royaume-Uni devront procéder à deux dépôts distincts: l’un auprès de l’EUIPO et l’autre auprès de l’IPO.
2. La représentation devant l’EUIPO des titulaires britanniques de marques de l’UE
En 2015, 14% des dépôts de marque devant l’EUIPO provenaient du Royaume-Uni[3].
Les déposants de marque de l’UE auprès de l’EUIPO doivent être représentés lorsqu’ils ne sont pas domiciliés dans l’UE ou qu’ils n’ont pas leur siège ou un établissement industriel ou commercial effectif sur le territoire de l’UE[4].
Ainsi, dans l’Europe post Brexit, les titulaires de marque de l’UE domiciliés au RU devront être représentés devant l’EUIPO par:
- Un avocat (ou assimilé selon le pays) établi dans l’Union européenne et habilité à représenter les titulaires de marques devant le service central des marques du pays où il est établi ; ou
- Un mandataire agréé inscrit sur une liste établie par l’EUIPO (consultable sur le site internet de l’office) ; ou
- Un employé de personne physique ou morale qui a son domicile, son siège ou un établissement industriel ou commercial effectif et sérieux sur le territoire de l’Union européenne[5].
3. La compétence des tribunaux du Royaume-Uni pour traiter des atteintes aux marques de l’UE
A ces difficultés s’ajoute celle de la compétence des tribunaux britanniques pour traiter des atteintes portées aux marques de l’UE.
L’article 91 du Règlement (CE) n°40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire prévoit en effet que chaque Etat membre désigne sur son territoire un nombre limité de juridictions nationales faisant office de « tribunaux des marques communautaires » et chargées de remplir les fonctions qui leur sont attribuées par le Règlement[6].
En conséquence, les « tribunaux des marques communautaires » britanniques sont amenés à perdre leur compétence juridictionnelle en la matière
[1] http://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/7237254/9-25042016-AP-FR.pdf/4b30a08f-88f4-44b1-80c4-7c4fa8039eeb.
[2] https://www.gov.uk/government/publications/extension-of-uk-intellectual-property-rights-abroad/extension-of-uk-ip-right-abroad-countries-i-to-n.
[3] http://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/7237254/9-25042016-AP-FR.pdf/4b30a08f-88f4-44b1-80c4-7c4fa8039eeb.
[4] https://euipo.europa.eu/ohimportal/fr/representation-before-the-office#4.1.
[5] https://euipo.europa.eu/ohimportal/fr/representation-before-the-office.
[6] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31994R0040:FR:HTML.