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4 février 2022

Les vices apparus en cours de bail dont le bailleur n’a pas été informé n’engagent pas sa responsabilité auprès du preneur

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Dans un arrêt rendu le 13 octobre 2021, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation consacre une exonération de responsabilité à l’égard du bailleur lorsque, mis en cause pour manquement à son obligation de délivrance, ce dernier n’avait pas été informé par le locataire de l’existence de vices découverts en cours de bail.   

Une telle solution n’avait pourtant rien d’évident. Pour rappel, l’article 1719 alinéa 1er du Code civil fait peser sur le bailleur l’obligation de mettre à la disposition du preneur un bien conforme à sa destination contractuelle, et, ce, tout au long de l’exécution du contrat. (Cass. 3e civ. 10-9-2020 n° 18-21.890). 

Dans le cas d’espèce, un bail commercial avait été conclu le 18 décembre 2007.

Au mois de janvier 2013, le locataire avait été informé d’une difficulté liée à l’état de la charpente.

En décembre 2014, le maire avait ordonné la fermeture de l’établissement au public.

Le locataire avait alors fini par mettre au courant les bailleurs des difficultés relatives à la charpente le 14 janvier 2015.

Le preneur assigne le bailleur en résolution du bail, et en restitution des loyers perçus sur le fondement d’un manquement du bailleur à son obligation de délivrance. Selon lui, le bailleur était tenu par cette obligation de remettre entre les mains du preneur un local en état d’exploitation, ce qui, en l’espèce, aurait nécessité la réparation d’une charpente pour délivrer un bien exempt de tout vice.

Or, la difficulté tient de l’information tardive par le preneur des vices apparus en cours de bail : pour se conformer à son obligation, encore faut-il que le bailleur soit informé des vices découverts au cours du bail.

La Cour de cassation retient :

« 6. Sans préjudice de l’obligation continue d’entretien de la chose louée, les vices apparus en cours de bail et que le preneur était, par suite des circonstances, seul à même de constater, ne sauraient engager la responsabilité du bailleur que si, informé de leur survenance, celui-ci n’a pris aucune disposition pour y remédier.

7. D’une part, la cour d’appel a souverainement retenu qu’il n’était pas établi que le désordre affectant la charpente existait antérieurement à la conclusion du bail.

8. D’autre part, elle a constaté que le locataire, averti dès le mois de janvier 2013 d’une difficulté liée à l’état de la charpente, n’en avait informé les bailleurs que le 14 janvier 2015 et que ceux-ci avaient pris alors les dispositions nécessaires pour y remédier mais que le locataire n’avait tenu aucun compte de leur offre de travaux qui auraient été de nature à mettre un terme aux désordres allégués. »

En d’autres termes, la Cour de Cassation considère que, sans préjudice de l’obligation d’entretien de la chose louée (remédier au vieillissement du local, et entretenir le gros œuvre du bâtiment), le preneur était le seul à même de constater les vices découverts en cours du bail.

Le manquement du preneur à son obligation d’information, ne rend pas pour autant l’obligation de délivrance exécutée (le bien doit pouvoir être exploité conformément au bail commercial), mais caractériserait en réalité une faute du preneur de nature à exonérer le bailleur de sa responsabilité contractuelle.

À l’inverse du preneur, le bailleur n’a pas accès au bien, et ne peut en apprécier son état. C’est en toute logique, qu’il incombe au preneur de l’informer des troubles qui affectent son local, pour que le propriétaire puisse se conformer à ses obligations contractuelles.

Une décision contraire, aurait été une création jurisprudentielle, particulièrement hasardeuse, en ce qu’elle aurait fait peser à la charge du bailleur une obligation de visite afin de faire un état des lieux du bien louée. Une décision plus facile à appliquer en théorie qu’en pratique…

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Décision : 3ème chambre civile, de la Cour de Cassation 13 octobre 2021, n°20-19.278