La Cour de cassation juge qu’un enregistrement clandestin n’est pas systématiquement irrecevable
Qui n’a jamais été tenté d’enregistrer son N+1 à son insu pour ensuite pouvoir par exemple invoquer en justice des conditions de travail difficiles ou contester un licenciement ?
Jusqu’ici, ce type de preuve était en général écarté par les juges car considéré comme déloyal, sur la base d’une jurisprudence bien connue de la Cour de cassation selon laquelle est irrecevable la production d’une preuve recueillie à l’insu de la personne ou obtenue par une manœuvre ou un stratagème (Cass Ass. plén. 7 janvier 2011, n°s 09-14.316 et 09-14.667).
La difficulté vient du fait que plusieurs droits fondamentaux s’opposent lorsque des enregistrements clandestins sont produits en justice :
- La liberté de la preuve, qui est indispensable pour permettre à une partie de gagner son procès
- Le droit au respect de la vie privée, et le principe de loyauté dans l’administration de la preuve.
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation (formation la plus importante et solennelle) a aujourd’hui opéré un revirement de jurisprudence, dont la portée s’étend à tous les contentieux civils.
Elle vient en effet de juger que les enregistrements clandestins ne sont pas irrecevables.
Elle pose toutefois deux réserves :
- Que la production de cette preuve déloyale soit indispensable à l’exercice des droits de la défense
- Que l’atteinte que cette production peut porter aux droits (notamment protection de la vie privée) soit strictement proportionnée au but poursuivi.
A charge pour le juge de déterminer si une preuve illicite ou déloyale produite devant lui remplit ces critères.
Il convient donc d’être très vigilant sur les propos tenus, en particulier sur le lieu de travail, car il n’est pas impossible que des collègues astucieux enregistrent les échanges qui se tiennent, pour ensuite les produire en justice – avec succès.
Cass Ass. plén. 22 décembre 2023 n° 20-20.648