L’utilisation à des fins personnelles d’outil informatique mis à la disposition d’un salarié
Un arrêt rendu le 19 juin 2013 par la chambre sociale de la Cour de cassation apporte des précisions quant à l’appréciation du caractère personnel des données intégrées dans le disque dur d’un ordinateur mis à la disposition d’un salarié (Cass. soc., 19 juin 2013, n°12-12.138).
En l’espèce, une société exerçant une activité d’agence de publicité a licencié un employé pour faute grave. La société invoque la violation par l’employé de ses obligations contractuelles à l’appui d’un rapport effectué par un expert révélant un échange de courriers électroniques entre le salarié et un concurrent de la société employeur.
La Cour d’appel fait droit à l’employé en jugeant le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse. L’arrêt invoque à l’appui de cette qualification, le fait que l’expert mandaté par la société Y & R se serait appuyé sur des fichiers et dossiers personnels du salarié en vue d’établir son rapport. De ce fait, la cour d’appel relève l’utilisation par la société d’un mode de preuve illicite et caractérise une atteinte à la vie privée du salarié, ainsi « dans ces conditions les constatations effectuées par l’expert pour le compte de la société Y ; R sont inopposables au salarié ».
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel aux motifs dans un premier temps que « l’expert avait exclu de son rapport les fichiers et dossiers identifiés comme étant personnels au salarié ». Dans un second motif par lequel, la cour de cassation indique que les fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur d’un salarié ne sont pas qualifiés de personnels « du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié ».
La cour de cassation dans sa décision rappelle l’existence de la présomption suivante : les fichiers crées par un salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition par son employeur sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors de sa présence. Toutefois il existe une exception à cette présomption qui résulte de l’identification des fichiers comme étant personnels.
Cet arrêt vient confirmer la jurisprudence antérieure sur cette question. Il convient d’ailleurs de remarquer que, dans une espèce très voisine de la présente, la Cour de cassation est venu rappeler, par un attendu de principe, que « si les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir en dehors de sa présence, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels, la dénomination donnée au disque dur lui-même ne peut conférer un caractère personnel à l’intégralité des données qu’il contient » (Cass. soc., 4 juill. 2012, n°11-12.502).
C’est dans ces conditions que les juridictions sont amenées à concilier le principe du droit au respect de la vie privée de l’article 9 du code civil et l’utilisation des outils informatiques sur un lieu de travail.