Exposition à l’amiante des salariés et délit de mise en danger de la vie d’autrui
Dans un arrêt du 19 avril 2017 (n° 16-80.695), la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme la condamnation d’une société de construction pour mise en danger d’autrui en raison de l’exposition des salariés à l’amiante. Une condamnation pénale relative à la problématique sanitaire et sociale des risques liés à l’amiante est singulière.
La cour d’appel a considéré que bien que le décret n° 2006- 761 du 30 juin 2006 relatif à la protection contre les risques liés à l’inhalation de poussières d’amiante ne soit pas applicable au cas d’espèce, l’employeur était débiteur d’une obligation générale de sécurité de résultat. Pour cette raison, le prévenu est reconnu coupable du délit de mise en danger de la vie d’autrui. Estimant que la mise en danger de la vie d’autrui suppose l’exposition à un risque immédiat de mort ou de blessures, l’employeur se pourvoit en cassation. Selon lui, certes la probabilité de développer un cancer dans les trente ou quarante ans est certaine, toutefois, le délai ne répond pas au caractère immédiat requis par l’article 223-1 du Code Pénal.
La chambre criminelle rejette le pourvoi. Elle estime que les motifs des juges du fond « établissent l’exposition d’autrui à un risque de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente, en relation directe et immédiate avec la violation manifestement délibérée des dispositions du code du travail ». Par cet arrêt, la Cour de cassation atténue ainsi la condition de proximité temporelle entre l’exposition au risque et sa réalisation. De plus, la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel selon lequel la caractérisation du délit de mise en danger d’autrui implique que « le risque de dommage auquel était exposé la victime ait été certain et qu’il n’est pas nécessaire que le risque se soit réalisé de manière effective ». Cette solution se comprend aisément puisque le délit de mise en danger d’autrui suppose l’existence certaine d’un risque, indépendamment de toute certitude quant à sa réalisation. Par conséquent, la probabilité de développer un cancer dans les trente ou quarante ans est suffisant pour établir le lien de causalité direct et immédiat entre la violation de l’obligation particulière de prudence ou de sécurité de l’employeur et le risque auquel le salarié est exposé.